Dérapage de la marche du 31 juillet : la police et les organisateurs se rejettent la responsabilité

Mardi 1 Août 2017 - 18:07

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La police dit avoir étouffé les manifestations des mouvements citoyens parce qu’elles n’étaient pas autorisées alors que les initiateurs jugent illégale la réaction de l’autorité politico-administrative pourtant tenue informée de l’organisation desdites manifestations.   

Plusieurs grandes villes du pays étaient en effervescence le 31 juillet. L’appel du mouvement de jeunes Lutte pour le changement (Lucha) à une marche pacifique sur toute l'étendue du territoire national « pour dire non à la présidence à vie de Joseph Kabila et exiger les élections avant la fin de cette année », a eu du répondant un peu partout. Plusieurs mouvements citoyens et quelques partis politiques de l’opposition ont relayé cet appel en exhortant leurs membres à adhérer massivement à cette initiative. À Kinshasa, Goma, Beni, Butembo, Kasindi, Lubumbashi, Kisangani, Mbandaka, Bukavu, etc., des hommes, des femmes et des jeunes ont investi les rues dans une posture de révolte face à leurs conditions de vie précaires. L’action courageuse tendait à braver l'interdit en foulant au pied les dernières mesures prises par l’autorité politique prohibant jusqu’à nouvel ordre toute manifestation.

Cela fait près d’un an que cette décision avait été prise. Pour l’autorité politico-administrative, c’était pour éviter des troubles et des victimes comme cela a pu être le cas en septembre et décembre 2016. Faisant fi des arrêtés et autres circulaires pris à cet effet, les mouvements citoyens de la société civile ont décidé malgré tout de battre le pavé estimant qu’ils n’étaient pas assujettis à une quelconque autorisation préalable. Le fait d’avoir informé l‘autorité politico-administrative suffisait, selon eux, pour passer à l’action. C‘était sans compter avec l’autorité de l’État, ou mieux de la puissance publique qui a tenu à faire respecter les textes. Sans surprise, depuis dimanche soir, la plupart des lieux de manifestation, dans la capitale comme à l’intérieur du pays, étaient quadrillés par la police anti-émeute ou par l'armée.

Pour la police, les manifestations sur la voie publique sont garanties par la Constitution. Et dans le cas d’espèce, les organisateurs n’avaient pas pris contact avec les autorités politico-administratives pour se convenir sur l’itinéraire à suivre afin que les forces de l’ordre puissent les encadrer jusqu’au point de chute. Non autorisées, ces manifestations ont simplement été réprimées par les forces de l’ordre. Cependant, pour les organisateurs de la manifestation, c'est un premier pas que d'avoir réussi à démontrer que la peur s'est désormais installée dans le camp du régime en place.

Dispersion musclée des manifestants, tirs de gaz lacrymogène, arrestations, interpellations, etc., tous les ingrédients étaient réunis pour rendre cette journée de lundi extrêmement tendue notamment à Goma et Bukavu. Des centaines de personnes ont, en effet, convergé vers les lieux de regroupement avant d’être dispersés à coup de matraque par un important dispositif policier, confirment des témoins. Même situation à Kinshasa et ailleurs où des manifestants se sont affrontés aux policiers qui les empêchaient de se diriger vers le siège de la Céni pour y déposer leur mémorandum.  À Goma, il nous revient que les manifestants sont parvenus à briser le cordon de la police et déposer un mémorandum au responsable de la Céni.

Dans la foulée, plusieurs manifestants ont été arrêtés ou interpellés puis relâchés. Aucun bilan plausible n’est encore fourni. Il est fait état approximativement de dix-sept personnes arrêtées à Kinshasa, onze à Butembo et une quarantaine à Goma. Au moins treize journalistes auraient été interpellés dans le pays puis libérés. Certes il n’y a pas eu mort d’hommes, mais certaines sources confirment qu’il y a eu plusieurs blessés à la suite de l‘intervention musclée de la police. Selon Amnesty international qui a dénoncé l’usage excessif de la force par les agents de l’ordre, ces derniers auraient fait usage de balles réelles sur les manifestants dans six des onze villes concernées par ces manifestations. Un dossier de plus qui charge la police nationale congolaise.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Des manifestants sur le boulevard Triomphal à Kinshasa

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