Conflits fonciers : les sites maraîchers en voie de disparition à Kinshasa

Mercredi 28 Septembre 2016 - 18:37

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Dans un accès de colère, quelques paysans ont dénoncé une spoliation à grande échelle des terres agricoles de la ville au profit des lotissements sociaux, hôtels, églises, bars et kiosques qui poussent comme des champignons. En effet, depuis quelques années, la pression urbaine a poussé les maraîchers en dehors des limites de la capitale. Et cette perte des espaces dédiés à la production agricole a provoqué le ralentissement de leurs activités, y compris dans la périphérie de Kinshasa. En RDC, explique l’Institut national de la statistique (INS 2015), plus de 70 % des actifs occupés sont employés dans l’agriculture, un quart dans le commerce ou les services, et moins de 5 % dans l’industrie. Le secteur agricole informel occupe jusqu’à 60 % de la main d’œuvre.

Avec ses 9 000 km² de superficie, la ville de Kinshasa est l’une des plus grandes agglomérations d’Afrique subsaharienne. Selon des études, Kinshasa arrachera le statut de ville la plus peuplée d’Afrique au cours des décennies prochaines. La ville donne un accès direct au principal marché de la RDC. Elle est aussi le principal marché des produits agricoles mais le secteur perd du terrain au regard des importations alimentaires massives et, surtout, des conflits fonciers. Cette situation a un effet démoralisateur sur les paysans qui se battent désormais pour survivre à une disparition planifiée. Aujourd’hui, la ville n’arrive plus à garantir sa sécurité alimentaire. Il n’est pas étonnant que les experts placent le problème de l’accès à la terre comme l’un des enjeux importants de développement au même titre que l’accès au crédit d’investissement et la distribution de l’énergie électrique.

Dans plusieurs communes de la ville, les activités agricoles sont actuellement en baisse, et certains produits de base parmi les plus consommés comme les légumes vont connaître bientôt une véritable pénurie. Face à l’inaction des autorités nationales, des voix s’élèvent parmi les paysans pour dénoncer l’implication des autorités municipales et des chefs coutumiers dans la confusion qui règne actuellement. L’on parle d’une véritable chasse aux maraîchers dans certaines communes agricoles de Kinshasa. Des ordres d’évacuation des sites maraîchers ont fini par faire de ceux-ci des personnes indésirables, même pour les exploitants qui s’activent en toute légalité dans des sites maraîchers.

En son temps, le gouvernorat a pensé mettre en œuvre une politique d’import-substitution des matières premières qui contraindrait ainsi les industries implantées à Kinshasa à recourir aux intrants locaux. Il était question, par exemple, d’utiliser le maïs produit localement à la place du blé importé. Dans la savonnerie, c’était l’huile de palme locale qui devait être utilisée. Mais les résultats demeurent mitigés. L’idée de l’essor d’une véritable industrie-agroalimentaire recourant aux intrants locaux reste encore dans le stade de projet pour la ville. Pour autant, l’autorité urbaine reste convaincue que la relance du secteur agricole passera nécessairement par une réorganisation du circuit d’approvisionnement des industries, au-delà des questions pratiques liées à l’encadrement technique et bien entendu l’obtention du microcrédit.

Le financement agricole reste un des points majeurs. Beaucoup d’initiatives sont à encourager pour formaliser les activités agricoles à Kinshasa et dans le reste du pays, notamment la conception en cours d’une cartographie de la demande agricole. « Malgré une population rurale à 80 %, il est triste de constater que la part du secteur agricole n’a fait que baisser depuis l’indépendance », a déploré un paysan. L’on estime d’ailleurs à moins de 1 % le portefeuille des crédits alloués au secteur agricole par les banques du pays. Des institutions financières internationales comme l’IFC (Société financière internationale, une agence de la Banque mondiale) passent par les banques, les institutions de crédit, les programmes spéciaux et les cabinets spécialisés comme des intermédiaires pour atteindre des cibles, très souvent les PME. Si une mise à niveau des banques s’impose, il faut aussi penser à la création en RDC des banques spécialisées.

Laurent Essolomwa

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