Coal Rolling : des pollueurs en liberté !

Lundi 10 Juillet 2017 - 11:45

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

Loin des réalités occidentales, l’Afrique vit le dynamisme d’un marché « noir » des voitures d’occasion. Leur mise en circulation entraîne la pollution de l’air. Au fil du temps, le phénomène du « coal rolling », littéralement « charbon roulant », s’est normalisé au mépris de l’environnement.

Brazzaville, capitale du Congo, est devenue l'une des villes d'Afrique centrale la plus polluée. La principale source de cette pollution sont les fumées rejetées par les voitures d'occasion massivement importées d'Europe et d'Asie qui roulent avec de l'essence frelatée. Suffoquer sous d'épaisse fumée noire qui entoure voitures, motos et piétons, rendant ainsi la visibilité quasiment nulle et la respiration difficile, sont des scènes courantes tant à Brazzaville que dans les centres urbains du Congo. Les spécialistes craignent la multiplication des cancers des voies respiratoires. Déjà on déplore la recrudescence de nombreuses maladies respiratoires.

Les véhicules d'occasions massivement importées d'Europe seraient essentiellement à l'origine de la pollution atmosphérique à Brazzaville. À la Direction générale de l'Administration du territoire aucune statistique officielle sur le nombre de vieilles voitures importées n'est disponible. On estime à plus de 10 000 entre 1990 et 2000. Le nombre de véhicules immatriculées ne fait qu'augmenté au jour le jour, parce que moins coûteux.

Ne pouvant réclamer la suppression des importations des véhicules et les matières qui favorisent la pollution, les observateurs congolais proposent que le gouvernement détermine l'âge maximal des véhicules d'occasion que le Congo peut accueillir sur son territoire. Ils ne devraient pas dépasser 20 ans, car le pays est devenu un dépotoir de carcasses des pays occidentaux. On sait aussi que le problème pour de nombreux pays africains est qu'ils ne disposent pas de moyens, des cadres et des structures nécessaires pour pouvoir appliquer les quelques législations contre la pollution atmosphérique. Ce qui favoriserait la protection efficace de l'environnement.

Les 100-100 font des heureux en périphérie

Il suffit de se rendre dans les quartiers périphériques de Brazzaville - où le phénomène 100-100 ne cesse de prendre de l’ampleur - pour se rendre compte de la gravité de la question environnementale. Dans ce cas : la pollution. Ce commerce, « illégal » profite aussi bien aux populations qu’aux patrons des véhicules en passant par les chauffeurs de ces voitures dites « d’occasion ». Loin du contrôle routier, des taxes et autres, ces derniers font bon commerce. La seule contrainte pour ces patrons « en off » c’est de subvenir aux pannes récurrentes.

Les frais de transport varient entre 150 et 250 FCFA, 500 au pire des cas, pour un court trajet. À Madibou et à Talangai, le constat est le même, à l’exception de Djiri, ou les frais varient non seulement en fonction de l’état de la route mais également des saisons.

Le drame, c'est que la majorité des propriétaires de ces véhicules et engins font usages de l'essence frelatée. Parmi les pratiques dangereuses, on peut encore citer celle qui consiste à mélanger du pétrole lampant à de l'essence. Cette pratique est assez courante chez les petits revendeurs de l'essence de la contrebande qu'on appelle les « Khadaffi ». Tout cela contribue à embaumer l'atmosphère et à mettre en danger les moteurs des voitures et des motos qui ne sont pas soumis à des contrôles techniques rigoureuses.

Devant l'aggravation continue de la pollution, le chercheur Benoît Malonga pense qu'il faut essayer de limiter l'importation des véhicules d'occasion. Mais Jean-Claude, chauffeur de taxi, ne l'entend pas de cette oreille. « Ces véhicules rendent énormément service puisque l'État y fait des rentrées fiscales. Et nous autres jeunes, on exerce un petit boulot. Elles permettent aux populations de se déplacer ».

Un faux scoop ?

Considérées comme des déchets polluants en Europe, les voitures usagées sont envoyées en Afrique, où elles continuent à rouler. Au niveau environnemental, ces voitures constituent un redoutable prédateur. Bien d’individus montrent leur dégoût pour la question, en polluant de manière ostentatoire grâce au coal rolling. Ce phénomène bien qu’ayant le vent en poupe aux États-unis, cristallisant les conservateurs contre les lois sur la qualité de l'air, est un phénomène très répandu en Afrique, avec ses milliers de « carcasses ».

Le coal rolling désigne en fait le moment où un moteur de type diesel reçoit un excès de carburant, ce qui entraîne l'émission d'une opaque fumée noire provenant du système d'échappement. Celle-ci est composée de particules carbonées et de composés qui n'ont pas été complètement brûlés lors de la combustion dans le moteur, et qui sont nocifs. Normalement, ce phénomène n'est pas volontaire et provient d'un dysfonctionnement ou un défaut d'entretien du système de combustion qui est relativement fréquent sur les véhicules diesel, notamment anciens.

Avec cette pratique et des véhicules qui ne font pas leur vidange ou ne passe pas un contrôle technique, il est difficile d’améliorer la qualité de l’air tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Pour améliorer la qualité de l’air, il est pourtant impérieux de réduire des émissions de carbone de 3 milliards de tonnes d’ici à 2025 ; développer plus de 8000 MW d'énergies renouvelables (solaire, éolien, géothermie) ; former 50 000 personnes dans la filière de l'industrie solaire ; augmenter l'efficacité énergétique ; diminuer la facture énergétique de 60 milliards de dollars en 2030 et prévenir l'asthme et des attaques cardiaques liés à la mauvaise qualité de l'air.

Or, une lecture attentive de ce plan montre clairement qu'il cible la pollution induite par les centrales thermiques qui fonctionnent au charbon et non les automobilistes qui roulent au Diesel... Gardons-nous toutefois d'angélisme envers le Diesel : il s'agit d'une motorisation très polluante - ses émissions sont officiellement reconnues comme cancérogènes – et qui n'a absolument pas sa place dans les zones urbaines. Il est aussi une raison de doter le Congo d’une loi contre la pollution de l’air pour mener à bien la lutte contre les gaz à effet de serres. Un pas reste à franchir.

Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Photo1 et 2: Parking des 100-100 en partance de 3 poteaux à Massengo (Djiri) Photo2: une voiture fumante (DR) Photo3: Une carcasse de voiture (DR)

Notification: 

Non