Adélaïde Mougany : « Le gouvernement doit relever le défi de la disponibilité des services non financiers qui accompagnent les PME »Jeudi 21 Novembre 2013 - 16:45 Créatrices d’emplois, les PME-PMI, un secteur capable de contribuer à la diversification de l’économie congolaise, restent encore loin de jouer pleinement leur rôle, en dépit des diverses opportunités qu’offre le pays. À la faveur de la tenue, à Brazzaville, de la première édition du Challenge entrepreneurial, le ministre en charge du secteur, Adélaïde Mougany, évoque dans une interview exclusive, les perspectives et les défis à relever pour une émergence de ce secteur Les Dépêches de Brazzaville : La capitale congolaise abrite, du 21 au 23 novembre, la première édition du Challenge Entrepreneurial du Bassin du Congo, consacrée aux PME-PMI. En votre qualité de ministre en charge de ce secteur, comment appréciez-vous cette initiative du RICE ? A.M. : Dès notre première rencontre, j’avais exprimé mon adhésion à cette initiative du RICE en raison du fait que l’association œuvre en droite ligne de l’action du ministère en faveur de la promotion de l’esprit entrepreneurial et de la culture managériale. Je crois qu’elle contribue à l’une des missions cardinales du président de la République en vue de fédérer toutes les actions, initiatives et de mobiliser toutes les énergies possibles pour créer et développer les PME au Congo. Il s’agit de faire en sorte que nous disposions d’un tissu de PME qui soit pérenne, avec comme résultat attendu, la lutte contre le chômage et la pauvreté, en faisant en sorte que ce tissu serve de diversification de l’économie et représente le seuil de l’industrialisation congolaise. LDB : Quelle est la situation globale des PME-PMI et quelles sont les perspectives et les défis à relever pour promouvoir ce secteur ? A.M. : Je crois que c’est à partir d’un état des lieux, d’un recensement que nous devons réaliser, qu'on pourra se faire une idée des PME dans notre pays. Seulement, nous sommes en présence d’une dizaine de grandes entreprises internationales et d’une multitude de micros, principalement des TPE (très petites entreprises) ; et au centre, le chaînon manquant, à savoir les PME pour lesquelles il va falloir travailler pour relever un certain nombre de défis tels que celui qui sert à impulser l’esprit d’entreprise au regard des opportunités non utilisées. Le deuxième défi à relever concerne la formation professionnelle, technologique et même managériale, parce qu’il faut arriver à gérer les entreprises de telle sorte que celles-ci prennent en ligne de compte les exigences d’une économie tournée vers l’extérieur. Pour réussir, il nous faut être compétitifs. C’est dire qu’il y a un combat qui demande certaines dispositions à prendre. Le troisième défi se rapporte à la création des conditions d’amélioration de la rentabilité ; et aujourd’hui les efforts du gouvernement dans le cadre des différents investissements qui sont réalisés, entraînent une amélioration de la situation grâce aux infrastructures construites. Au-delà de tout, il faudrait que le gouvernement relève le défi de la disponibilité des services non financiers, l’accompagnement des PME, les appuis multiples pour la réalisation d’études de marchés, l’assistance dans tous les domaines, en apportant une réponse à la question du financement qui se pose avec acuité. LDB : À quel niveau se trouve aujourd’hui le Fonds d’impulsion de garantie et d’accompagnement ? A.M. : Il est toujours à l’ordre du jour en dépit du fait qu’il y a un retard dans sa mise en œuvre au niveau du gouvernement. Il est d’ailleurs en bonne place dans le plan de développement 2012-2016. C’est un projet qui doit se réaliser mais il faut compter sur les autres mécanismes, notamment le fonds à coût partagé de la Banque mondiale, les chèques services qui relèvent de l’Union européenne et la mise en place prochaine du fonds de garantie. En dehors de cela, il y a les fonds d’investissement dont on ne parle assez, bien qu’il ne concernent pas les PME. C’est dire que sur le plan financier, les mécanismes qui se mettent en place peuvent valablement accompagner les PME au niveau du Congo. LDB : À travers l’organisation du Challenge Entrepreneurial, la diaspora congolaise veut jeter les bases de l’émergence des PME-PMI. Comment le gouvernement entend-il l’accompagner pour attirer les investisseurs ? A.M. : Nous nous sommes intéressés à la diaspora depuis 2008 et pensons qu’elle pouvait contribuer au développement socio-économique du pays. Car, elle est consciente de l’action qu’elle peut mener en termes de promotion de l’économie nationale, mais tout dépend du dispositif que le gouvernement doit mettre en place. Pour ma part, il est question que nous regardions avant tout le portefeuille d’investissements dont le Congo a besoin pour atteindre ses objectifs de croissance et de développement. Ce portefeuille intègre plusieurs secteurs, notamment ceux des nouvelles technologies de l’information, des assurances, des mines, de la santé et même de l’éducation. LDB : Le Congo s’active à diversifier son économie fortement dépendante du pétrole. Comment les PME-PMI peuvent-elles contribuer au développement économique quand on sait que le financement de ce secteur reste encore un réel problème ? A.M. : Je crois que c’est à travers les PME que nous réaliserons la diversification de l’économie. Dans la plupart des pays, les PME constituent la part la plus importante avec des pourcentages allant au-delà de 80%. Chez nous par exemple, nous avons retenu autour de 90% en travaillant dans le cadre des groupes retenus pour la mise en place d’une politique d’incitation d’accompagnement et en créant des conditions permettant d’aller vers l’initiative privée. Dans cette diversification, il nous faut des grandes entreprises donneuses d’ordres pour donner naissance à toutes ces PME receveuses et exécutives des ordres. À tel point qu’il peut y avoir déferlement d’initiatives allant dans tous les secteurs d’activités. LDB : Y a-t-il des mécanismes envisagés par votre département pour favoriser des joint-ventures de PME-PMI avec les grandes entreprises ? A.M. : De façon globale, nous avons l’association Pointe-Noire industrielle qui déjà permet des joint-ventures entre les PME-PMI avec les grandes entreprises. De façon spécifique, nous travaillons aujourd’hui avec l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel, sur le projet de mise en place d’une bourse de sous-traitance de partenariat d’entreprise, aux fins d’apporter une réponse à cette préoccupation. Dans le même cadre, nous envisageons le contenu local qui nous permettra de nous rapprocher des investisseurs sensés manifester des besoins par rapport à leur évolution, ou organiser les structures publiques qui pourraient créer une synergie pour accompagner ce développement qui s’annonce au niveau national. Pour ceci, il faut que nous nous mobilisions tous à différents niveaux pour rendre les choses claires et arriver à atteindre l’objectif du Congo pays émergent à l’horizon 2025. LDB : Le dernier rapport de la Banque mondiale sur le climat des affaires a, une fois de plus, donné la preuve que les contraintes administratives sont bien loin de favoriser le développement de l’investissement privé au Congo malgré les opportunités qu’offrent les différents secteurs. Votre commentaire à ce sujet ? A.M. : Je crois que cette classification intervient à partir des éléments mis à la disposition de la Banque mondiale. Ces éléments ne sont pas arrivés à temps pour influencer cette position au regard du fait que le délai fixé pour la création d’une entreprise est aujourd’hui de 48 heures contre 165 jours auparavant. Ce qui est vrai c’est que certaines choses qui auraient pu se faire avant la date buttoir, se sont faites de façon tardive. Cependant, il est à retenir que nous avons fait énormément de progrès sur le plan de la fiscalité et cela va se ressentir. Au-delà de tout cela, il n’y a pas meilleur critère que la garantie de la paix qui permet, au niveau de l’Ohada, de garantir la sécurité juridique et judiciaire à ceux qui viennent investir. Qu’à cela ne tienne, nous travaillons pour mettre en œuvre un certain nombre de réformes que nous avons accepté dans l’intérêt de notre économie, le bien de nos populations, afin de vaincre le chômage et la pauvreté de sorte que cette croissance contribue à une plus grande création d’emplois. Je suis persuadée que pour ce qui concerne le classement du Doing Business, la position du Congo va changer en 2014. LDB : Quelle est la place du genre dans l’entrepreneuriat au Congo ? A.M. : La place de la femme est cruciale si l’on considère l’économie domestique où il ne saurait y avoir de concurrence avec les hommes. L’entrepreneuriat féminin dans l’économie structurée est drastiquement réduit à la proportion « Kongo », mais j’ai confiance que les femmes se rendront compte de la nécessité de franchir le pas pour aller de l’avant. En ce qui me concerne, je pense qu’il nous faut mener le combat, même au plan politique, pour lever les obstacles et écarter toutes ces discriminations qui concernent la femme. Il faut libérer tout le potentiel qui est en elle pour qu’elle puisse retrouver l’assurance qui lui permet d’évoluer dans ce domaine comme le font les hommes actuellement, et cela au profit des entreprisses, de nos communautés. Car la femme a en elle des capacités extraordinaires. Propos suscités par Guy-Gervais Kitina et Nancy France Loutoumba
Guy-Gervais Kitina Légendes et crédits photo :photo 1 : Adélaïde Mougany, ministre des PME.
photo 2 : Séance de travail entre le ministre des PME et la représentation de la Banque mondiale au Congo. photo DR. |