Football africain : mais où est donc la relève ?

Entre le décès du légendaire Eusebio, premier joueur né en Afrique à remporter le Ballon d’or (le deuxième et dernier fut George Weah en 1995) le 5 janvier et la remise du prestigieux trophée au Portugais Ronaldo le 12 janvier, le football africain a vécu une semaine difficile, probablement symptomatique du déclin de ses stars mondiales : après une décennie de représentation dans le top, le football continental tarde à se trouver une relève à la hauteur de la génétation : Drogba-Eto’o-Essien-Touré-Adebayor.

Lundi 12 janvier, l’Ivoirien Yaya Touré, parvenu au douzième rang du classement du Ballon d’or 2013, a dû se sentir bien seul. Entre 2004 et 2012, il y avait au minimum deux joueurs africains dans les trente joueurs nominés, avec un record de quatre éléments en 2007 (l’Ivoirien Drogba, quatrième, le Malien Kanouté, onzième, le Ghanéen Essien, vingt-quatrième, et le Camerounais Eto’o, trentième). Porte-drapeaux du football africain durant la dernière décennie, Eto’o et Drogba ont figuré à plusieurs reprises dans le Top 10 (quatre fois pour le Camerounais, cinq pour l’Ivoirien). Mais une page semble avoir été tournée.

Yaya Touré, seul au milieu de néo-retraités
Alors que Kanouté a raccroché les crampons, que Seydou Keita est en semi-retraite en Chine, que Gyan s’est compromis aux Émirats et que Michael Essien est rattrapé par un corps probablement plus vieux que son passeport, seul le Mancunien Yaya Touré, 29 ans, culmine encore au plus haut-niveau mondial.

L’été indien pour Eto’o et Drogba, la sortie du placard pour Adebayor
Dans l’optique d’un ultime Mondial, au Brésil, Didier Drogba, 35 ans, fait durer le plaisir à Galatasaray (26 matchs, 10 buts, 5 passes décisives) et une qualification pour les huitièmes n’a pas dompté le Lion qui sommeille en lui : après des débuts délicats, il vient de marquer un triplé retentissant contre  Manchester United et cumule désormais 8 buts et 4 passes en 20 matchs. Adebayor, 30 ans le mois prochain, démontre qu’il y a une vie après le placard : banni par Villas-Boas, il a marqué 6 buts en 8 matchs depuis le départ du Portugais. Les papys font donc de la résistance.

Au Nigeria, des bons joueurs mais pas de star mondiale
Mais derrière eux, aucune tête ne sort vraiment des rangs. Malgré un CV magnifié en deux ans (Ligue des champions 2012, Ligue Europa et CAN 2013), le Nigérian John Obi Mikel ne semble avoir ni le charisme, ni le talent pour leur succéder. Au sein de la sélection nigériane, certains éléments font preuve de régularité dans leurs championnats respectifs (Emenike en Turquie, Doumbia en Russie, Ideye en Ukraine), mais aucun n’a l’étoffe d’un joueur de top niveau mondial. Meilleur joueur du Mondial U17 remporté par les Goldent Eaglets avec 6 buts et 7 passes décisives, Kelechi Iheanacho, recruté par Manchester City, est promis à un bel avenir, mais la route qui mène au sommet est encore longue, très longue.

Du talent chez les Éléphants, mais pas suffisant pour égaler Drogba et Touré
En Côte d’Ivoire, même constat : depuis trois ans maintenant, Wilfried Bony fait preuve de régularité face au but adverse (13, 17 et 31 buts entre 2010 et 2013, déjà 7 cette saison), mais prospère pour l’instant dans des clubs mineurs (Sparta Prague, Vitess Arnhem, Swansea). Le Romain Gevinho (5 buts et 6 passses en 19 matchs) est un de ces feux-follets dont le public raffole, Salomon Kalou (8 buts, 2 passes décisives en 20 rencontres) fait le boulot à Lille et Lacina Traoré pourrait surprendre à Monaco. Mais là encore, aucun d’entre eux n’a l’envergure de leurs illustres coéquipiers en sélection nationale.

Chez les Lions de la Terenga, les buteurs manquent de régularité
Au Sénégal, les attaquants sont nombreux, mais la tendance est davantage à la fulgurance qu’à la constance : prodigieux lors de leur association sous le maillot de Newcastle le duo Papiss Cissé (29 buts et 8 passes décisives entre janvier 2012 et juin 2013)- Demba Ba (16 buts, 4 13, 3 29 buts, 7 passes décisives entre juin 2011 et janvier 2013) : depuis le premier n’a trouvé le chemin du but qu’à trois reprises et le second à 11 reprises. Leur compatriote Damé N’Doye fait preuve de régularité depuis quatre saisons (20 buts de moyenne par saison au FC Copenhague et au CSKA Moscou).

Chez les Black Stars, il n’y a plus de vedette mondiale
Au Ghana, Kévin-Prince Boateng a du talent et un comportement de diva, mais semble loin des sommets que la génération Eto’o-Drogba-Touré a titillé durant cette décennie. Ensablé à Al Ain, aux Émirats arabes unis, Asamoah Gyan ne brille plus qu’en sélection, quand Kwadwo Asamoah (24 matchs, 3 passes décisives) est un talentueux joueur de devoir à la Juventus. Élevés au rang de futurs cracks mondiaux après leur titre Mondial U20 en 2009, Dominic Adiyiah, André Ayew, Emmanuel Agyemang-Badu n’ont pas confirmé au firmament.

Après Eto’o, le néant chez les Lions Indomptables
Au Cameroun, cela fait plusieurs années que le débat de la succession d’Eto’o inquiète et anime les débats, car aucun buteur de sa trempe n’apparait dans le viseur. Pourtant précoce, Vincent Aboubakar sévit à Valenciennes, relégable en Ligue 1, soit très loin des cadors de la Ligue des champions. L’autre star des Lions Indomptables, Alexander Song, reste, malgré un talent indéniable, un remplaçant de luxe à Barcelone.

Sur le continent, du talent mais un déficit d’exposition médiatique                                                                                       Restés sur le continent, certains joueurs ont le potentiel et le talent, l’on pense au Congolais Mputu ou au Zambien Kalaba, pour marquer l’histoire, mais il leur manque l’exposition médiatique que seul le football européen peut leur offrir. Pour l’Égyptien Aboutreika, génie méconnu du grand public, c’est déjà trop tard : il vient de tirer sa révérence, laissant une place vacante supplémentaire.