Mafieux ou corrompus ? Hors de l’Eglise !

Le Vatican vient de tenir la toute première rencontre internationale consacrée au thème de la corruption. Cette initiative inédite a été prise par un dicastère (ministère du Vatican) aussi nouveau que particulier, le Dicastère pour le service de la promotion humaine intégrale. Il est dirigé par la figure africaine qui monte au Vatican, le cardinal ghanéen Peter Kodwo Apiah Turkson auquel le pape vient de donner comme adjoint un prêtre français très impliqué dans les questions sociales, le père Bruno-Marie Duffé, du diocèse de Lyon.

Au Vatican une cinquantaine d’experts de divers horizons, prêtres ou civils, ont été invités à jeter leur regard sur un phénomène qui rend les nations pauvres encore plus pauvres, sans pour autant que les consciences ne s’en émeuvent toujours. L’occasion de cette rencontre a aussi été celle du lancement d’un livre-entretien du cardinal Turkson sur la corruption : Corrosione (Corrosion). C’est le pape en personne qui en a signé la préface, en soulignant que la corruption parlait « un langage de mort », « de corrosion de l’âme », justement.

Comparable à un cancer, le Saint-Père dénonce dans ce phénomène qui éloigne de l’honnêteté et rapproche au contraire du crime, un phénomène qui brise la relation entre l’homme et Dieu. Car la vie d’un homme est soutenue par les trois relations que constituent son rapport à Dieu, son rapport au prochain et son rapport à l’environnement. Les métastases de la corruption gagnent le cœur entier et finissent par gangrener l’ensemble du corps social. « La corruption pue », avait d’ailleurs dénoncé en une autre circonstance le chef de l’Eglise catholique.

Cette levée de crosse contre la corruption s’est accompagnée, toujours dans le cadre de ce « Débat international sur la corruption », de l’annonce d’une mesure spectaculaire du Vatican : la possible excommunication pour les corrompus et les mafieux. Le groupe d’experts réuni au Vatican a en effet préconisé des mesures drastiques pour combattre à la fois la corruption et la mafia qui ne sont jamais bien éloignées l’une de l’autre, surtout en Italie. Il faut envisager « la nécessité d'approfondir, au niveau international et de la doctrine juridique de l'Eglise, la question relative à l'excommunication pour corruption et association mafieuse », a indiqué le communiqué de conclusion de cette réunion.

Au cours d’une émission de grande écoute sur la radio publique RAI, et consacrée aux questions de religion, la parole a été donnée dimanche aux auditeurs qui ont, pour l’essentiel, jugé inopérante une telle menace de l’Eglise catholique. La société se déchristianise passablement et la pratique de la religion s’est réduite à des rites plus culturels et traditionnels que cultuels et de foi, ont-ils soutenu. Un des invités a par exemple fait noter que l’Eglise catholique avait excommunié …les communistes, « mais, grâce à Dieu, le communisme est mort de sa belle mort, pas de l’action coercitive de l’Eglise ! »

Pourtant un autre invité de marque, Mgr Michele Pennisi, archevêque de Monreale, en Sicile (dans la zone où se trouve Corleone, la terre emblématique de la mafia telle que campée en 1972 par le cinéaste Francis Ford Coppola dans Le Parrain avec des acteurs de talent comme Marlon Brando ou Al Pacino, Ndlr) a soutenu que les mafieux tiennent beaucoup à leur image « de parrains », précisément. Pour eux, donc, l’éloignement de la religion ne leur paraît pas aussi anecdotique que cela.

Le quotidien de gauche La Repubblica connu pour ses positions anticléricales n’est pourtant pas loin de partager ce point de vue du prélat. Le journal souligne le « tournant historique » pour l’Eglise et pour les catholiques, car la décision envisagée mettrait sur le même plan corrompus et mafieux. Le journal rappelant que l'excommunication est la peine la plus sévère envisagée par l'Eglise catholique à l'encontre de ses membres. Une forme de mise sur le banc de touche du croyant dont la faute a été jugée particulièrement grave.