Italie : les déchets, un trésor

Dimanche 19 Juillet 2015 - 15:03

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Au cœur de la région de Naples, mais aussi plus généralement dans le sud du pays, des individus vivent des déchets exportables même vers l’Afrique.

La police italienne a récemment publié l’interception d’une conversation téléphonique entre deux boss mafieux. L’un conseillait à l’autre de laisser tomber le trafic de prostituées, de drogues ou des armes, et de se concentrer plutôt sur les déchets organiques. En ville ou aux abords des hôpitaux et des usines, ce que l’on jette peut faire la fortune d’un moins regardant. Cela est à peine croyable, mais c’est un fait : les déchets sont des ressources.

Et pas seulement pour les recycleurs, ni pour les petits débrouillards africains, de plus en nombreux dans des villes autour de Rome, à fouiller les poubelles pour en dénicher tout ce qui peut se vendre. Téléviseurs démodés, habits hors-saisons, pneus pas trop élimés, bicyclettes déjantées, fers à repasser etc… Tout est bon. Cette nouvelle escouade d’éboueurs africains se double de petits as de la bricole. Ils redressent, repassent, réparent et remplissent des conteneurs qui feront le bonheur de certains sur un quelconque marché africain au nord, au sud ou au centre du continent.

Ceux-là sont presqu’à regarder avec sympathie. Ils ne volent pas ; ils exercent même une certaine activité sociale en allégeant des poubelles débordées nonobstant les pestilences, et en faisant nourrir plus loin des familles africaines qui n’ont aucune idée de comment leur parvient les friperies (massola ou mitumba en Afrique de l’Est) dont ils comptent les ballots en liasses de CFA ou de shillings. Ceux-là, donc, travaillent. Et il n’est pas étonnant que les policiers les laissent opérer et que des habitants qui les reconnaissent de loin leur fourguent, gratuitement, des pièces parfois à peine usées.

Le problème est autre avec la mafia. Les organisations criminelles au sud de l’Italie ont constitué de véritables filières de récolte, de transport, d’exportations et de recouvrement des créances dans le déchet. C’est une vraie industrie qui a sa chaine de profits. Depuis les appels d’offre au traitement ou retraitement des déchets même toxiques et à prix bas jusqu’aux intermédiaires dans les pays africains, mais pas seulement. Ils font déverser sur n’importe quelle surface au loin les résidus de l’activité industrielle ou sanitaire en Italie. Le pays est concerné, mais il n’est pas le seul. On se rappelle  l’affaire du navire Probo Koala qui défraya la chronique en Côte d’Ivoire et dans le monde en 2006. Rappel de faits emblématiques d’une imbrication d’acteurs et d’intervenants dans une affaire d’exportation illégale de déchets.

C’était en août 2006, le Probo Koala quitte le port d’Amsterdam, en Hollande, et se dirige vers Abidjan, en Côte d’Ivoire. Le bateau bat pavillon panaméen. Son équipage est russe, ses propriétaires grecs, ses affréteurs suisses et hollandais et sa cargaison, 581 tonnes d’un mélange de produits pétroliers et sulfurés dangereux. À Abidjan, ces déchets sont déversés de nuit dans une décharge publique, sans doute moyennant argent payé à quelque comparse. Il a suffi d’inhaler les exhalaisons de ces déchets pour causer la mort de 17 personnes.

La mafia italienne n’est pas plus regardante ni plus subtile. Ces dernières années, les enquêtes efficaces des carabiniers italiens ont conduit à l’arrestation de quelques « contrebandiers » ayant fini par avouer avoir déversé des résidus toxiques semblables à ceux du Probo Koala en mer, en Méditerranée ou en Atlantique. Ironie du sort, l’Italie qui a engagé une lutte ouverte contre la mafia des déchets, vient de se voir condamnée à 20 millions d’euros (et 12.000 euros par jour de non-exécution). La cour européenne de justice a imposé ces sanctions sévères parce que l’Italie n’a pas été en mesure de résoudre le problème des déchets organiques dans la région de Naples, la Campanie !

C’est un comble alors que depuis 2008 le pays a engagé une lutte acharnée contre les déchets et pris des mesures pour que ménages et industries deviennent plus responsables dans ce qu’ils jettent et où ils le jettent. Un impôt spécial sur les déchets, la Tares, a même été institué contre les déchets industriels. Les entrepreneurs commencent d’ailleurs à crier à l’asphyxie, alors que cet impôt (qui vient de changer d’intitulé en devenant la Tari), a été augmenté de 20%. Mais le gouvernement tient bon. Il faut que tout le monde participe à la lutte contre la pollution, depuis le bas des maisons jusqu’au sommet des institutions, soutient-il.

Lucien Mpama

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