Afrique : l’aide française au développement « à bout de souffle », selon Emmanuel Faber

Mercredi 25 Juin 2014 - 10:33

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Commandé par le gouvernement français, le rapport sur l’innovation dans l’aide au développement est favorable à l’inclusion du secteur privé dans le financement du développement, sur fond de baisse du budget de l’aide publique au développement (APD)

Présenté au lendemain de l’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi sur la politique de développement, le rapport est direct : la mise en œuvre de l’aide française au développement n’est plus adaptée aux réalités d’aujourd’hui.

« L’aide au développement telle qu’elle est aujourd’hui a été mise en place il y a un demi-siècle, à une époque où les BRICs n’existaient pas et où le décollage économique de l’Afrique n’avait pas eu lieu », a souligné Emmanuel Faber, co-auteur du rapport, qui dénonce une aide « à bout de souffle ».

Pour Emmanuel Faber, « le rêve des 0,7% du revenu national brut (RNB) des pays de l’OCDE consacré à l’aide au développement ne sera jamais atteint. Même la France, qui fait pourtant figure de bon élève avec 0,46%, n’atteindra probablement jamais cet objectif ». Maintes fois réitéré par la France, l’objectif de 0,7% du RNB consacré à l’aide au développement « est maintenant inscrit dans la loi sur le développement et nous allons l’atteindre », a affirmé de son côté la secrétaire d’État au développement et à la Francophonie, Annick Girardin.

Pour la directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats au Quai d’Orsay, Anne-Marie Descôtes, il faut passer « d’une logique d’aide à une logique de financement ».

Bien que sévère, ce constat ne fait que répondre à une réalité de baisse globale de l’APD. L’APD française a connu une baisse de 10% en 2013, selon l’OCDE. Cette tendance devrait se poursuivre, étant donné que le gouvernement français cherche à économiser 50 milliards sur la période 2015-2017 afin de réduire son déficit.

« Même s’il force un peu le trait, [… ce rapport] part du constat que la structure de nos ressources d’aide au développement n’est pas optimale face à la complexité des défis qui se posent à nous, que ce constat ira en accentuant, et que nous devons donc innover », a reconnu Annick Girardin.

Pour une meilleure coordination avec le secteur privé

Le rapport présente un certain nombre de propositions concrètes visant à mieux organiser l’aide au développement, et établit plusieurs priorités : la lutte contre le sous-emploi massif des jeunes Africains, le lancement d’une initiative en faveur de l’agriculture familiale ou encore la création d’un laboratoire d’urbanisme social en Afrique subsaharienne.

Mais les auteurs mettent aussi l’accent sur les défauts d’organisation de l’aide. « Il devient de plus en plus difficile de risquer l’argent du contribuable », explique Emmanuel Faber. L’autre critique porte sur la difficulté d’évaluer l’efficacité de l’APD de la France, répartie entre plusieurs canaux.

Pour la création d’une facilité de l’économie inclusive pour le développement

Les entreprises françaises qui souhaitent investir dans des projets de développement se retrouvent souvent bloquées par l’absence de statut juridique adapté. Principal problème : l’absence d’outils juridiques et financiers pour encadrer les coalitions d’acteurs rassemblant des organisations de la société civile, des entreprises, des collectivités locales, des ONG, etc.

Le rapport préconise la création d’une facilité de l’économie inclusive pour le développement permettant de structurer le soutien public aux coalitions d’acteurs. En mettant en place cet outil, Emmanuel Faber pense qu’il sera possible de mobiliser davantage de financements. Selon lui, en lançant une facilité financière destinée à accompagner la partie risquée des investissements nécessaires, l'aide au développement pourrait voir son impact se démultiplier.

« Il faudrait lancer cette facilité rapidement avec quelques dizaines de millions d’euros pour qu’elle puisse être testée sur quelques projets », a insisté Emmanuel Faber. « Un outil est à l’étude », a assuré Annick Girardin.

Noël Ndong