Interview. Dilan Dilama : « Il faut faire la part des choses entre la gestion de l'État et celle des intérêts personnels »

Mardi 18 Février 2014 - 17:00

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Membre de la diaspora, cet analyste politique décrypte l’actualité politique de ces dernières heures en usant d’une liberté de ton qui lui est propre.   

Les Dépêches de Brazzaville : Croyez-vous encore en la mise en place d’un gouvernement de cohésion nationale ?

Dilan Dilama : La question, ce n’est pas de croire ou de ne pas croire à la mise en place d’un gouvernement ou sur la mise en œuvre des recommandations des concertations nationales. Notre préoccupation consiste à savoir quelle sera la part des Congolais dans cette nouvelle stratégie présidentielle. Si les recommandations des concertations ont pour conséquence le fait de primer ou de faire enrichir certaines têtes, donc cela n’aura servi à rien. Les concertations devaient en principe être une occasion pour assurer le redressement du pays. Ce n’est pas le partage du pouvoir qui viendra changer les choses. Car, ce qui manque dans notre pays, c’est le vouloir travailler pour l’intérêt général et surtout pour les générations futures. Difficile de croire en la bonne foi des concertateurs d’accomplir les actes au profit des Congolaises et Congolais à la lumière, entre autres, de la dernière loi sur l’amnistie.

LDB : Quel bilan pouvez-vous établir de l’année 2013 en termes de gestion du pouvoir ?

DD : Notre pays est dans une profonde crise de la représentation. Cette crise a des conséquences graves sur la politique interne mais aussi sur la politique internationale car le pays est, pour l’heure, instable sur tout les plans. Certes dans le gouvernement Matata, il y a quelques talents mais qui ne peuvent rien faire face à la mauvaise foi et à l’absence quasi-totale du service public. Le gouvernement est presqu’absent des questions qui élèvent le pays, à savoir l’éducation, l’agriculture, l’industrie et quelques secteurs-clés à la base de l’épanouissement social. Il faut régler la question de la corruption. Il faut une analyse approfondie afin d’éradiquer ce fléau qui détruit la vie de la République. Vu l’état du pays, le gouvernement doit accepter de prendre le risque et, surtout, de définir une politique de développement. Il doit faire la part de chose entre la gestion du pays et la gestion des intérêts personnels.

LDB : Quelles recommandations pouvez-vous faire alors au gouvernement ?

Il faut que l’État soit le tout premier investisseur dans le pays. Il doit se trouver au premier plan et nos partenaires, les institutions financières ou d’autres structures ne peuvent pas devenir les principaux acteurs ou organisateurs de notre propre société. Aussi longtemps que notre pays restera acquéreur des dons de ces différentes institutions, il restera autant que l’Afrique entière sous l’emprise étrangère. Si le pays veut réellement répondre aux challenges du 21e siècle, il faudra d’abord réformer le programme d’enseignement national en lui dotant d’un budget conséquent et aussi effectuer de grandes réformes dans tous les secteurs de la vie nationale. Il en est de même de nos agriculteurs censés être subventionnés par l’État afin d’accroître leurs productions de sorte à devenir compétitifs sur le marché non seulement africain mais aussi mondial.

LDB : Comment résoudre l’équation des groupes armés qui pullulent aujourd’hui à l’est du pays ?

DD : Seule une armée dissuasive, sincère et neutre peut gérer ces genres de situations et non une armée instrumentalisée et composée d’hommes d’affaires et des voyous qui confondent la mission républicaine à la sauvagerie. Il faut également une sincère réconciliation nationale d’abord dans le pays et envisager ensuite de discuter profondément avec nos voisins.

LDB : Avec un peu de recul par rapport aux évènements du 30 décembre 2013, quelle lecture faite-vous de l’attaque menée récemment sur quelques sites stratégiques du pays?

DD : La lecture simple est que notre pays n’est pas à son premier épisode du genre. Depuis l’époque du feu Maréchal Mobutu, ces genres de distraction étaient fréquents. Et quand on compte les pertes de vies humaines, ça dérange. Jusqu’à ce jour, la vérité n’a jamais éclaté aux yeux des Congolais et l’on ne sait pas ce que sont devenus les gens arrêtés à cet effet. Tout, en mon sens, reste à réfléchir.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Dilan Dilama Gerry