À quoi servent les questions orales des députés au gouvernement ? La dernière séance n’a pas répondu à mes attentes de téléspectateur. Affligeant ! Ce n’est donc pas sans raison qu’un député faisait remarquer que les sujets n’étaient pas abordés de façon exhaustive et foncière.
La retransmission des débats publics se fait en France dès les années 1950. À partir de ce moment, les caméras font leur entrée dans l’hémicycle pour couvrir les débats en séance publique. Ils sont diffusés en direct. La diffusion sur Télé Congo des débats s’inscrit dans cette tradition pour permettre au public de vivre en direct les joutes de nos députés, peu ou prou préparés aux confrontations d’idées.
L’Assemblée nationale est le lieu de la délibération nationale, par excellence. Lors de la première législature issue de la Constitution de 1961, certains députés ont inscrit leurs noms en lettres d’or dans le registre des débats. C’est le cas de Lheyet Gaboka, député du MSA, contempteur du pouvoir de l’abbé Fulbert Youlou, président de la République. Arguments précis et irréfragables à l’appui. Les débats n’étaient pas retransmis. La télévision n’existait pas encore au Congo. Elle ne démarre que l’année suivante. Mais les journaux de l’époque en ont rendu compte. De même, avant lui, les interventions de Félix Tchicaya à l’Assemblée française sont demeurées historiques. Un recueil de ses interventions est disponible dans les librairies de Brazzaville et de Pointe-Noire. Nos députés pourraient utilement s’en inspirer. L’Assemblée nationale forme aujourd’hui, avec le Sénat, le parlement de la Nouvelle République. En règle générale, l’Assemblée vote les lois, contrôle l’action du gouvernement et évalue les politiques publiques. En attendant l’achèvement de son siège, en face de l’actuel ministère de la Justice, au quartier administratif, le parlement congolais siège au Palais des congrès. Pour mémoire, la première Assemblée de la République du Congo naissante avait son siège à Pointe-Noire, dans le bâtiment actuellement occupé par l’Ecole Jean-Joseph- Loukabou.
Pour revenir au contenu de la séance incriminée, comme les précédentes du reste, on reste sur l’écume des vagues. La preuve, des députés qui ne prêtent même pas attention aux réponses des ministres qui eux-mêmes, pendant que les députés interviennent, devisent gaiement à en juger par leurs rires calfeutrés et des sourires en coin qui en disent long sur l’intérêt qu’ils accordent à ces questions orales. Une séance de questions orales se prépare. Il s’en dégage, malheureusement, une impression gênante d’improvisation des uns et des autres. Personne n’est exempt de critique. Visiblement, peu au fait des sujets abordés, les ministres ânonnent des textes manifestement écrits pas leurs conseillers. Ils ne font même pas l’effort élémentaire d’habiter ces textes pour nous les rendre digestes. Certains passent à côté de la plaque, ce qui les oblige à repréciser leurs pensées indéchiffrables, parfois amphigouriques.
D’autres intervenants donnent l’impression de s’écouter parler, avec une détestable délectation. Sur le fond, peu de place aux questions existentielles, celles qui préoccupent la «population-public » de ces retransmissions. Lorsque, par extraordinaire, ces questions sont abordées par quelques rares députés pertinents, il y en a de temps en temps, de nombreux ministres bottent en touche ou donnent des réponses évasives. Que pense le public de ces prestations ? Il rit de ces clowneries.
Un député peu satisfait de la réponse à sa question insistait pour avoir des précisions qu’il pourrait, à son tour, répercuter auprès de ses mandats qui, au sortir de ces séances, restent sans informations pointues. Il faut peut-être envisager, à l’avenir, un changement du modus operandi. Consacrer, lors de ces débats publics, un jour à un sujet d’actualité. Ce sera de meilleur bénéfice, à condition que chacun s’y mette sérieusement. Il suffit, pour cela, de revoir le règlement intérieur pour l’adapter à cette volonté d’exhaustivité exprimée lors de la dernière séance des questions orales. Il faut avoir le courage d’innover et sortir des chemins balisés qui, souvent, finissent en cul de sac. Au moins, de la sorte, le public pourrait, d’une part, bénéficier de multiples éclairages et de points de vue variés sur le sujet en débat et, d’autre part, disqualifier les intervenants les moins brillants à la fois au niveau du gouvernement et de l’Assemblée nationale aux prochaines consultations électorales.
Ce sont souvent les mêmes qui sollicitent les suffrages pour céder la place à leurs suppléants. Cette pratique crée des connivences malsaines pour la vitalité de la démocratie. Ainsi, les électeurs, en dehors des tee-shirts et des bières, pourront juger sur pièce de la qualité de ceux qui les représentent à l’Assemblée. La démocratie y gagnerait en critères de jugement. Les députés sont chargés d’évaluer les performances du gouvernement, par le biais de ce nouveau modus operandi, ils seraient jugés, à leur tour, par leurs électeurs. Au surplus, les séances gagneraient en crédibilité et, sans doute, en audience. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.