Interview. Luc Missidimbazi : « Avec ce rapport de l’UIT-D, nous avons les fondements d’une stratégie nationale des télécommunications »

Dimanche 31 Décembre 2017 - 12:41

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Une vingtaine de  publications présentant les résultats des études et des enquêtes réalisées et rendant compte des contributions reçues pendant la période d'études 2014-2017, ont été validées par la Conférence mondiale de développement des télécommunications de 2017 (CMDT-17) tenue à Buenos-Aires, en novembre 2017. Luc Missidimbazi, directeur des Marchés du haut débit à l’Agence de régulation des postes et communications électronique (ARPCE) et conseiller du Premier ministre, chef du gouvernement, a dirigé les travaux du rapport sur les « Technologies d’accès large bande, y compris les IMT, pour les pays en développement ». En attendant un programme, courant 2018, de vulgarisation des conclusions de ce document stratégique, Il confie dans Les Dépêches de Brazzaville les grandes orientations de ce rapport pour le Congo. 

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.): Le rapport final sur la question “Technologies d’accès large bande, y compris les IMT, pour les pays en développement” a été élaboré sous votre direction, en tant que rapporteur de ce dossier. Comment avez-vous été sélectionné pour conduire de si grands travaux ?

Luc Missidimbazi (L.M.) : J’ai été sélectionné parmi plusieurs cadres pour diriger ce groupe. Il était constitué de plusieurs experts. Et l’intelligence vient de tous. Le rapport est publié en cinq langues. J’ai représenté le Congo à travers l’ARPCE, dirigée par Yves Castanou. Ce rapport a été élaboré sous ma direction, en tant que rapporteur de la question, et de cinq vice-rapporteurs nommés, Philip Kelley (Alcatel-Lucent International, France), Tharalika Livera (Sri Lanka), Turhan Muluk (Intel Corporation, Etats-Unis d’Amérique), Laboni Patnaik (Etats-Unis d’Amérique) et Yuki Umezawa (Japon). Les commissions d’études du secteur du développement des télécommunications de l’UIT (UIT-D) regroupent les spécialistes des pouvoirs publics, du secteur privé et des milieux universitaires. Ils  se réunissent afin d’élaborer des outils pratiques, des lignes directrices utiles et des ressources pour résoudre les problèmes de développement.

L.D.B.: Quelles sont alors les grandes orientations de ce rapport ?

L.M. : C’est un rapport technique qui est destiné aux pays et aux acteurs des télécommunications des Etats. Il y a des grandes orientations par rapport aux besoins des Etats. Le  but est que tous les pays qui sont dans ce cas de figure disposent des éléments pour aider leur stratégie sur le haut débit, la large bande dans les quatre prochaines années. C’est de voir comment demain nous pouvons intégrer les technologies nouvelles qu’on appelle le LMT et les technologies 5G. Il s’agit, par ailleurs, de voir comment on déploie et finance ces technologies. Certains pays ont déjà amorcé les phases d’expérimentation, d’autres font des prévisions et pour le reste les dossiers sont sur la table. Ce sont des études d’orientation stratégique pour les quatre prochaines années.

L.D.B. Le rapport oriente certes sur le haut débit, mais plusieurs pays utilisent déjà des technologies comme la fibre optique et avec une bonne maîtrise pour certains. Qu’apporte-t-il concrètement ?

L.M. : De manière précise, le rapport met en évidence les critères de déploiement des accès au haut débit, les bonnes pratiques, les choix des technologies, les coûts, ce qui est finalement recommandé. Ensuite, il y a la connaissance des technologies. Nous sommes partis des technologies filaires aujourd’hui, et la fibre évolue également car on peut y transporter des capacités énormes. Mais comment cela se structure et s’organise ? L’étude met en évidence cette nouvelle organisation et les différents niveaux à respecter.

L.D.B. Pour le cas précis du Congo que vous avez représenté,  quelle pourrait être la valeur ajoutée de ce travail sur l’écosystème internet ?

L.M. : Vous devrez d’abord savoir que ce travail a permis de mettre en avant ce que l’on a déjà fait au Congo. Dans le rapport, vous retrouverez des exemples sur des incubateurs comme Yekolab et Bantuhub et les technopôles que nous avons envisagés mettre en place. Le rapport vient mettre en évidence quelques bonnes pratiques du Congo à l’international. Avec ce document, nous avons les fondements d’une stratégie nationale des télécommunications, de gestion des infrastructures et du développement du haut débit. Ce sont des études d’orientation et de développement pour tous les pays et il faut que le Congo s’approprie ces informations pour développer son écosystème et être un catalyseur pour la sous-région. Il y a également, dans le rapport, des expériences pays a côté des aspects techniques. On voit, par exemple, le volet entrepreneurial qui est encouragé par l’UIT, les modèles et les mécanismes de financement de ces infrastructures avec la rentabilité qu’elles peuvent apporter dans les cinq prochaines années. Vous savez que le Wacs va entrer dans la phase critique. Donc il faut prévoir les financements nouveaux.

L.D.B. Vous voulez dire que les infrastructures de fibre optique vont être obsolètes bientôt ? Ou alors faites-vous allusion à la fiabilité de ces infrastructures ?

L.M. : Au Congo, nous avons particulièrement un problème de robustesse d’infrastructures. Une infrastructure de ce genre, c’est comme les routes. Il ne faut pas qu’une fois qu’elle se casse que nous soyons pénalisés. Nous l’avons vu en 2017. Il faut diversifier les accès et rendre robustes et fiables ces infrastructures. Nous savons que les infrastructures de fibre optique, en moyenne c’est dix à quinze ans. Ce qui veut dire que notre fibre optique, installée en 2012, aura sept ans cette année. Les problèmes de dégradation peuvent commencer. On risque de se retrouver un jour coupé d’internet. Donc ce genre d’étude de l’UIT nous permet de dire quelles sont les orientations que nous allons prendre. Mais ce n’est pas tout. Il y a un autre phénomène. On en parle aussi dans ce rapport. Ce sont les OTT (Other the top), c’est-à-dire que tout ce qui est services que nous n’avons pas prévus dans la télécommunication et qui sont importés par Internet. Ce sont ces services qui tirent les pays vers le haut et qui tirent internet et l’économie. Là, il est question de savoir comment allons-nous structurer également.

L.D.B. Qu’est ce qui est prévu pour vulgariser ce document dans les prochains jours ?

L.M. : Etant rapporteur de ce groupe de travail, la première chose c’est que  nous allons officiellement remettre ce rapport au ministre des Télécommunications avec un sommaire exécutif. Durant l’année 2018, nous organiserons, avec le régulateur, les sessions de sensibilisation des principaux acteurs. Il ne faut pas oublier que nous avons déjà lancé, avec le régulateur, certains projets comme le point d’échange internet, le Datacenter, la gestion du point CG, la gestion des OTT. Nous allons nous appuyer sur ces recommandations pour montrer l’intérêt de tous ces mécanismes de gestion d’internet.

L.D.B. Après ce rapport 2014-2017, comment se présentent les perspectives pour les quatre prochaines années ?

L.M. : Vous devrez savoir que les sujets sur lesquels les commissions d’études de l’UIT-D travaillent sont choisis tous les quatre ans par la Conférence mondiale de développement des télécommunications (CMDT), qui établit des programmes de travail et des directives, afin de définir les questions et priorités relatives au développement des télécommunications/TIC pour les quatre années suivantes. Pendant la période d’études 2014-2017, le domaine de compétence de la Commission d’études 1 de l’UIT-D est l’étude d’un « Environnement propice au développement des télécommunications/TIC », tandis que celui de la Commission d’études 2 de l’UIT-D est l’étude du thème « Applications des TIC, cybersécurité, télécommunications d’urgence et adaptation aux effets des changements climatiques ». Après, il y a des perspectives. Une fois qu’on a terminé, la Conférence mondiale a demandé de proroger l’étude pour la période 2018 -2022. Nous allons voir dans cette période les effets du haut débit dans les économies. Et effectivement comment on va développer le contenu. 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Luc Missidimbazi

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