Interview. Grégoire Lefouoba : les Zimbabwéens reconnaissent Mugabe comme le père de l’indépendance

Jeudi 23 Novembre 2017 - 15:00

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Philosophe et homme politique, Grégoire Lefouoba revient sur les derniers développements de l’actualité au Zimbabwe après la démission du président Robert Mugabe. Il réprouve l’attitude des élites politiques qui, dit-il, « flattent nuit et jour les chefs d’Etat et passent au grand large quand vient la tornade ». 

Les Dépêches de Brazzaville(LDB) : Quelle analyse vous inspire la démission de Robert Mugabe, président du Zimbabwe ?

Grégoire Lefouoba (G.L.) : Ce n'est pas seulement en philosophe ou en intellectuel mais aussi et surtout en qualité de citoyen acquis à la cause de l'émancipation digne du continent, en panafricaniste orienté vers la Renaissance de l'Afrique, sans oublier mes convictions de progressiste moulé par le socialisme. La situation du Zimbabwe nous instruit sur deux choses : en politique rien n’est gagné d’avance, mais rien également n’est perdu d’avance. Le président Mugabe a été élégant en démissionnant quoi que ce fut un peu tardif mais l'essentiel a été sauvegardé pour éviter des violences gratuites et inutiles.

L.D.B. : Comment expliquez-vous les causes de son départ précipité, au-delà du limogeage de son vice-président ?

G.L. : Je pense que le métier de chef d'Etat doit être le plus difficile. J'ai visité ce beau pays en 1992 à la faveur de la réunion de l'International socialiste.  Rien n'était plus émouvant que de rencontrer le camarade Mugabe. J'ai l'impression qu'il écoutait plus les flatteurs qui écument nos partis et nos cabinets politiques, nos entourages. Chacun a son idée et derrière l'idée, c'est son intérêt qu'il protège sous le couvert de la bienveillante conviction d'amour pour le chef. Depuis sa réforme agraire, il y a eu une partie de l'opinion qui n'avait pas été préparée pour subir les contreperformances de l'agriculture. Le grenier que son pays représentait était devenu vide. En plus des violences enregistrées lors de son élection, l’interférence de son épouse dans les affaires de succession, ses démêlées avec son vice-président ont été des points du désamour complet avec la jeunesse et l'opinion internationale.

L.D.B. : Comment peut-on qualifier l'attitude de l'armée zimbabwéenne, la position du parti Zanu-PF ?

G.L.: L’armée zimbabwéenne a bien profité de la socialisation politique sous le règne du parti unique Zanu- PF. Le socle, bien qu’étant marxiste-léniniste, l'armée a su capitaliser sur cet héritage d'organisation de la centralité démocratique pour le respect de l'ordre social et politique du pays. Et puis, tous se reconnaissent dans la lutte du camarade Mugabe. On le vit comme un père et l'on le tolère. Quant au pari Zanu-PF, son attitude ne me surprend pas. Etant donné que la constitution attribue une charge active au parti qui gagne les élections pour diriger la tête du pays, le parti est reparti à la source de la légitimité du pouvoir pour s’en référer, en mettant à contribution les rouages du pouvoir d'Etat.  J'admire les camarades de la Zanu-PF d'avoir respecté le père de la lutte de libération de la Rhodésie du Sud. Ils ont su donner une image respectable de l'Afrique. En plus, ce sont des Bantus comme nous, on a les mêmes noms de famille presque.

L.D.B.: Votre dernier mot et la leçon essentielle

G.L. La leçon est formulable de la manière suivante : il serait productif pour le président intérimaire de présider la transition et de s'abstenir de participer à la présidentielle de 2018. Les partisans de Mugabe savent qu'il a été derrière la manœuvre pour l'éviction du camarde Bob et que lui aussi n'est pas un enfant de chœur car il a participé activement à certains méfaits du pouvoir du président. Je ne suis pas d’avis avec ceux qui dissertent sur l’âge du camarade Mugabe. L’âge n’est pas, à mon avis, un critère essentiel car il y a des jeunes incapables comme autant de personnes âgées dépassées. Emmerson Mnangagwa risque si l’on n’y prend garde de diviser les voix du parti, certains mécontents voteront ailleurs. S'il se désiste en faveur d'un autre camarade, le parti pourra tirer profit de cette vision révolutionnaire des choses. Maintenant, il leur faut refonder la ligne idéologique et ne plus ressasser seulement celle de la lutte contre les Anglais mais accentuer la lutte politique autour des intérêts des classes ou couches pauvres. La politique est toujours vue sous l'angle binaire : ceux qui possèdent et ceux qui n'en ont pas. Autrement c'est la fiction... car la solidarité nationale se construit sur la base des intérêts nationaux et non individuels.

 

 

 

Les Dépêches de Brazzaville

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