Recherche : l'anglais n'est plus la seule langue d'avenirLa fin du siècle dernier a vu pour la première fois une langue passer du statut de lingua franca internationale à celui de "planétaire (Global English)". Mais la tendance s'inverse, et il devient de plus en plus évident que l'anglais seul ne suffit plus dans un monde en pleine "désoccidentalisation", relève Michaël Oustinoff. On s’attendrait à ce que le monde anglophone se mette à promouvoir le tout-anglais, qui plus est "planétaire"? C’est au scénario inverse que l’on assiste. Le tout-anglais n’est pas une solution d’avenir, mais une impasse, comme les anglophones sont en train de s’en rendre compte à leurs propres dépens. Il n’y a pas que les non-anglophones à en faire les frais. Dans un monde multipolaire, l’anglais seul ne saurait répondre à tous les besoins. Le basculement du monde et le déclin du tout-anglais Il note des changements géopolitiques majeurs des trente dernières années, avec l’émergence des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), si bien que le centre de gravité de la planète s’est déplacé vers l’Asie (la Chine est la 2e puissance mondiale) et vers les Suds (Amérique du Sud, Afrique). On assiste bien à une "désoccidentalisation" du monde. Ce phénomène n’a pas épargné les langues, à commencer par l’anglais. Internet constitue, à cet égard, un exemple frappant. Au moment où l’accès à la "toile" commençait à se généraliser, la part de l’anglais y était écrasante : plus de 80%. En l’espace d’une décennie, sa part est descendue en-dessous des 28%. Ce qui autrefois était une force, devient aujourd’hui une faiblesse, constate-t-il. L'anglais, une langue "hypercentrale" qui partage le sommet de la pyramide avec des langues "émergentes" A l’heure de la mondialisation, dans un monde multipolaire, la maîtrise de l’anglais seul ne suffit plus. La langue " hypercentrale (Louis-Jean Calvet)" doit apprendre à partager le haut de la pyramide avec des langues « émergentes » comme l’espagnol, le chinois ou le hindi. Ce n’est pas un hasard si des critiques aussi vives du tout-anglais émanent du monde anglophone : il est aux premières loges, dans un monde "post-américain".En 2009 et 2011, la British Academy indiquait que le tout-anglais est un handicap dans tous les domaines, à pallier d’urgence. Le globish : chronique d’une mort annoncée Dans un monde multipolaire, les espaces linguistiques – et non plus seulement l’espace anglophone – constituent dorénavant une forte valeur ajoutée. En ce qui concerne les TEL (Trois Espaces Linguistiques : francophone, L'Afrique, un des pôles de développement majeurs du 21e siècle et avenir du français L’avenir du français, une des grandes langues de la mondialisation, se jouera en Afrique . Le continent africain pourrait devenir l’un des pôles de développement majeurs du XXIe siècle avec l’émergence de la "Chindiafrique". En 2030, la moitié des 9 milliards d’habitants que comptera la planète seront en Chine, en Inde et en Afrique, avec cette différence par rapport au premier 20e siècle que ces trois acteurs seront des puissances majeures du monde de demain. Contrairement à une idée reçue, le globish, en tant que langue de communication « planétaire » unique, ne fait plus recette : comment le pourrait-il dans un monde de plus en plus interconnecté, multipolaire et multilingue?, s'interroge le chercheur. L’anglais, une langue parmi d'autres langues de la mondialisation "S’en remettre au seul globish, ce n’est pas avoir une modernité d’avance : c’est avoir une modernité de retard. Ce qui ne signifie nullement que l’on doive négliger une langue comme l’anglais. Bien au contraire", a conclu Michaël Oustinoff. Noël Ndong |