Permis de conduire, permis de tout faire?

Suivant les catégories, A, B ou C, les titulaires se conforment aux différentes étapes du « cachet ». C’est en principe ainsi que les choses se passent, quand elles se déroulent dans le respect des normes établies par la sécurité routière. Les jeunes gens semblent affluer plus nombreux que les jeunes filles, la raison peut en être simple. Les Congolais ne sont pas encore totalement sortis de la mentalité « à l’ancienne ». Les filles conduisent peu, ce n’est pas encore dans les habitudes… sauf pour « les évoluées ».

En outre, les auto-écoles reçoivent aussi un grand nombre de jeunes gens qui, à la recherche de travail, trouvent dans le fait de faire taxi un palliatif sûr. Or, comme on peut e voir à Brazzaville (contrairement à une ville comme Dakar !), les jeunes filles ne se bousculent pas encore pour être chauffeur de taxi. Mais que se passe-t-il une fois le permis de conduire en poche ?

Le Congolais se comporte comme si cela lui donnait droit, à vie, de conduire une voiture de n’importe quel type. Dans les pays d’Europe a été institué un permis à point : le conducteur perd ses points jusqu’à la totalité s’il multiplie les infractions au code de la route. Or, à Brazzaville, le code de la route est ce qu’un conducteur veut bien en faire, suivant son inspiration du jour. Fort heureusement, le retour annoncé aux révisions techniques obligatoires va au moins permettre de penser qu’il y aura de moins en moins d’épaves roulantes sur les routes de Brazzaville.

Quelques réactions

Sylvain Samba est chauffeur de taxi depuis le 15 septembre 1987. Il explique que les nouveaux détenteurs de permis de conduire se comportent bien ou mal selon le parcours suivi pour l’obtention du permis de conduire. « Pour ce qui me concerne, j’ai bossé dur pour avoir ce permis que j’estime avoir bien mérité. Á l’époque, je partais à la Case de Gaulle étudier mon code de la route comme tout autre étudiant, sous les lampadaires publics. Nous avions le Code Rousseau, livre indispensable pour apprendre. Des épreuves étaient organisées même pour ceux qui ne savaient pas lire, il suffisait surtout dans ce cas de mémoriser certains panneaux de circulation. Aujourd’hui, les choses ont plus que changé. J’ai accompagné mon neveu récemment pour passer l’épreuve écrite de conduite, arrivé sur place ils étaient près d’une cinquantaine de personnes à attendre, mais les tuteurs ne demandaient en tout et pour tout que de l'argent. Le plus étrange était qu’à l’affichage des reçus, sur la liste figuraient près de deux cents noms. Allez savoir à quel moment ils ont passé leur examen ! Il y aurait tant à ajouter… Je me souviens également qu’avant les épreuves écrites, on devait fournir un certificat médical. Aujourd’hui, un certificat aussi sérieux et important se vend sans passer aucun examen, pas même ophtalmologique. Pour ce qui est des épreuves écrites, après trois reprises de l’examen le dossier devait être refait à zéro pour se représenter. C’était l’époque sérieuse où ceux avec qui j’ai commencé à travailler, mes patrons dans le service taxi, venaient repérer les bons chauffeurs à la direction générale des Transports terrestres pour les recruter ensuite. »

Quant à Arnaud-Claude Nkelani, chauffeur également mais chez un particulier, il pointe du doigt les mauvaises conditions des routes qui favoriseraient, selon lui, la mauvaise conduite. « Comment se comporter au volant face à des embouteillages qui n’en finissent pas, l’un voudra arriver au bout de la file avant l’autre. Puis sur des voies en réfection, actuellement dans tous les coins, on se poserait même la question pourquoi n’ont-ils pas programmé ces travaux à grande échelle pour certains avant la saison des pluies ? Les premières pluies qui se sont abattues rendent inaccessibles les petites routes. Pour revenir sur le permis de conduire, mon parcours s’est fait en trois mois. J’ai suivi les cours normalement et passé les épreuves. Je suis à « un cachet », j’attends deux années avant de chercher à en avoir plus. »

Christian, également chauffeur habitant Talangaï et qui souhaite garder l’anonymat, souligne : « Autant nous avons une police routière qui à tout bout de route vous colle des amendes dans le désir de recevoir un billet de 1 000 FCFA, voire plus, autant la conduite et tout ce qui va avec ne peuvent répondre à des soucis de qualité et de prudence au volant. Certains chauffeurs peuvent vous rendre fou, des vrais bêtes au volant, d’autres sont plus modérés mais insolents à la moindre incartade. Pour moi, il vaut mieux prendre un taxi sereinement avec une personne mûre au volant. Ne serait-ce que pour être sûr d’arriver à destination. J’ai eu mon permis dans les années 1990 et jusque-là, je n’ai eu aucun accident grâce aux conseils des moniteurs. Aujourd’hui, il y a un réel problème parce que : par qui sommes-nous formés ? Ce qui nous renvoie à une autre question : par qui sommes-nous conduits ? »