Les Dépêches de Brazzaville



Mauritanie : des militants anti esclavagistes relâchés


Il n’est sûr que les noms de Biram ould Dah ould Abeid et de Brahim ould Bilal disent quelque chose à la majorité des lecteurs en Afrique centrale. Il n’est pas davantage sûr chez eux que la question de l’esclavage renvoie à une autre réalité que celle qui a saigné l’Afrique pendant quatre siècles ne s’arrêtant, dans sa partie visible, qu’au 20è siècle. Autant dire hier. Pourtant la vente des humains, leur asservissement par d’autres humains, perdurent.

« C’est cela le drame dans le drame », se désole Yacoub Diarra, président du mouvement Ira-Italie. Car, « à seulement quatre heures d’avion d’ici (d’Italie, Ndlr) ; en plein 21è siècle, l’esclavage persiste en Mauritanie, et beaucoup ne semblent pas s’en rendre compte en Afrique et dans le monde ». Tout a été utilisé pour le justifier là-bas, mais la pratique la plus courante est la répression, se lamente-t-il.

Au moment de ces propos bases d’une interview prochaine. l’homme, la trentaine révolue, appelle à la libération du chef de l’Ira (Initiative de la résurgence du mouvement abolitionniste), Biran Ould Dah et son adjoint Brahim ould Bilal. Ils avaient été arrêtés en février 2014 et traduits en justice à Rosso (sud-mauritanien) pour avoir manifesté. Des voix avaient même parlé d’apostasie à l’islam ou de les avoir vus brûler le livre sacré du Coran.

Faux, ont soutenu en chœur avocats, militants des droits de l’Homme et de la cause anti esclavagiste en Mauritanie. Les deux hommes et quelques-uns des militants de leur mouvement avaient, en effet, détruit des livres, mais voeux qui étaient la base d’une thèse « justificationiste » prétendant que l’esclavage a été voulu par Dieu. Résultat en Mauritanie, malgré une abolition formelle en …1981, l’esclavage se perpétue dans les faits. Les biens de l’esclave appartiennent à son maître ; l’esclave n’a pas le droit de prier dans la mosquée le vendredi ; les femmes esclaves sont des choses aux mains de leurs maîtres etc…

« La Cour suprême a estimé que le tribunal de Rosso et la cour d'appel d'Aleg ont fait une mauvaise qualification des faits qui sont reprochés aux deux hommes », a expliqué leur avocat mardi, Me Brahim Ould Ebetty. «Les peines qu'ils auraient dû encourir ne devaient pas dépasser un an, or, cette période étant dépassée, les deux hommes doivent être immédiatement libérés », selon l'arrêt de la Cour suprême, qui a renvoyé le dossier devant une « cour d'appel autrement constituée », a-t-il ajouté.

En clair, libérés ou pas, les deux antiesclavagistes mauritaniens n’en ont pas fini avec la justice. En août 2015, la Mauritanie a adopté une nouvelle loi faisant de l'esclavage un « crime contre l'humanité », réprimé par des peines allant jusqu'à 20 ans de prison ferme, contre cinq à dix ans auparavant. Le pays s'est également doté en décembre de trois tribunaux spécialisés dans les affaires d'esclavage et a décrété le 6 mars « Journée nationale de lutte contre les pratiques esclavagistes ».

 


Lucien Mpama