Les Dépêches de Brazzaville



Italie : Des ONG accusées de se faire de l’argent sur l’immigration


Désormais la question ne se pose pas en termes de « si », mais de pour ou contre l’aide d’urgence aux migrants. Depuis les accusations lancées la semaine dernière par le procureur de la région sicilienne de Catane (sud de l’Italie), Carmelo Zuccaro, même le gouvernement à Rome est aujourd’hui divisé. Le procureur avait déclaré détenir la preuve que la dizaine d’organisations humanitaires surgissant en Méditerranée pour secourir des bateaux de migrants en difficulté faisait partie d’un réseau ; qu’elles étaient de mèche avec des passeurs libyens.

Tout en se disant incapable d’enquêter pour étayer ce qui ne relève encore, pour le moment, que de l’hypothèse, il a maintenu ses accusations. Ses certitudes ont enflammé les esprits. Les deux mouvements populistes italiens, le Mouvement 5 Etoiles (M5S) et, surtout la Ligue du Nord, ont emboîté le pas en affirmant qu’il y avait bien du louche sous la question des sauvetages inopinés des migrants en mer. Trop précis pour ne pas être guidés ; trop présents quand il s’agit de recueillir des rescapés de naufrage.

« Il y a trois ONG battant pavillon allemand qui refusent de déposer au Parlement  italien parce qu’elles ne veulent pas dire qui les finance. Donc, si quelqu’un a quelque chose à cacher, il ne se retrouverait pas en pleine mer pour faire du bien, mais pour se faire des sous. Les nouveaux esclavagistes du 21è siècle, c’est eux !». Ces propos sans nuances sont de Matteo Salvini, le leader du mouvement xénophobe de la Ligue du Nord. Pour lui, l’Italie dépense trop pour les 3.300 requérants d’asile qu’elle abrite : « c’est 100.000 euros par jour, qui seraient mieux investis en Afrique ».

Même teneur de ton du côté du M5S, le mouvement du comique Beppe Grillo, qui soutient que depuis toujours, il y a du blé à gratter derrière toute action humanitaire (voir encadré). Et que même la mafia le sait : il y a plus à gagner en « s’occupant » des immigrés que de tout autre trafic. Le gouvernement italien est divisé sur la question. Le ministre de la Justice, Andrea Orlando, rappelle que pour une ONG éventuellement indélicate, il en reste une majorité dont l’action est essentielle. Mais son collègue des Affaires étrangères, Angelino Alfano, ne l’entend pas de cette oreille. Il s’est dit « 100% d'accord avec le procureur Zuccaro parce qu'il a posé une vraie question. Ceux qui s'indignent sur commande sont des hypocrites », a-t-il lancé à la presse qui lui demandait de confirmer si des ONG vivaient effectivement du trafic des migrants.


Lucien Mpama