Les Dépêches de Brazzaville



Immigration : les ambassadeurs d’Afrique disent « merci » à l’Italie


C’est un des sujets sur lesquels l’Italie se distingue des autres pays européens : tout en maintenant une surveillance serrée sur les migrants qui débarquent par vagues sur ses côtes, Rome entend insuffler de l’humanisme dans sa politique migratoire. A diverses occasions, le gouvernement de M. Matteo Renzi s’est glorifié de ce que, souvent laissée seule face à ce drame qui lui coûte beaucoup en argent et en personnel, l’Italie se soit focalisée sur le sauvetage des migrants en difficulté en Méditerranée.

Pendant des années, elle a été seule à se battre sur ce terrain avant que l’Europe ne vienne l’épauler avec, notamment, la mission Frontex de patrouille aux frontières extérieures de l’Europe. Les préoccupations intérieures ne sont jamais éloignées dans ce genre d’attitudes, mais le fait est qu’à l’heure où l’Europe est littéralement truffée de murs anti-immigration, l’Italie peut se targuer de privilégier d’abord la sauvegarde des vies. « Lorsque vous êtes en face de quelqu’un qui se noie, vous ne commencez pas par lui demander s’il a ses papiers en règles ».

Ces mots forts sont ceux du Premier ministre Matteo Renzi lors du premier sommet Italie-Afrique, le 19 mai dernier, à Rome. Et c’est avec une émotion sincère que l’ambassadeur Mamadou Dékamo Kamara les a repris lundi, au siège du commandement de la capitainerie de port des garde-côtes italiens à Rome. A 11 heures, c’est là que 28 ambassadeurs sont venus entourer l’ambassadeur du Congo, doyen du corps diplomatique africain, pour dire aux garde-côtes italiens le merci de tout un continent pour leurs opérations de jour ou de nuit visant à sauver des hommes.

Les ambassadeurs africains ont remis un tableau artistiquement travaillé au ministre italien des Transports, patron des garde-côtes, M. Graziano Delrio, « en signe de profonde gratitude ». Pour M. Dékamo et ses pairs africains « la Méditerranée, pendant des siècles carrefour d’échanges culturels et commerciaux entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique, est  malheureusement devenue aujourd’hui le lieu de développement d’une traite d’êtres humains, d’exploitation de la migration que la pauvreté, les guerres, les dictatures et la mauvaise gouvernance poussent à fuir pour aller chercher une meilleure vie en Europe où ils tombent dans les griffes des trafiquants ».

L’ambassadeur Mamadou Dékamo Kamara a fait part de la tristesse de l’Afrique de voir que cette Méditerranée, pont des peuples et des civilisations, « se soit transformée au fil des décennies en cimetière. L’action des garde-côtes italiens mérite tout notre soutien. Le corps diplomatique africain reconnaît cet engagement comme étant le témoignage indiscutable d’une solidarité qui a cimenté à la longue le lien entre l’Italie et l’Afrique ».

A la suite des amiraux en charge des différentes opérations de secours en mer, le ministre italien des Transports, s’est félicité que son pays et ses « anges de la mer » aient mis en avant la mission de sauver d’abord des vies. « L’Afrique est l’avenir de l’Europe », a dit M. Delrio : « lutter contre la pauvreté, ce n’est pas faire de la charité », a-t-il insisté. C’est ce qui justifie l’acceptation des privations chez les hommes et femmes de mer italiens, les ONG, les bateaux marchands, debout sur les ponts par tous les temps. Un des slogans de la marine italienne de secours est, a-t-il révélé : « aujourd’hui encore, nous dormirons demain ».


Lucien Mpama