Profession : aumônier des Congolais de RomeMardi 4 Mars 2014 - 13:33 L’abbé Sylvestre Abesengie dirige l’aumônerie congolaise de Rome. Il est comme un curé dont la paroisse est toute l’étendue de la capitale italienne. Les catholiques de la République démocratique du Congo disposent depuis 1994 d’une paroisse bien à eux à Rome. Sur décision de la conférence épiscopale du Congo (CENCO) à Kinshasa et concession du vicariat romainet, il leur a été attribué une aumônerie spécifique. Après l’abbé Augustin Bita, l’aumônerie congolaise a accueilli son deuxième aumônier désigné par Kinshasa, l’abbé Sylvestre Abesengie. Entretien. Les Dépêches de Brazzaville : Monsieur l’abbé, en tant qu’aumônier dans une ville comme Rome, votre tâche est-elle plus compliquée que celle d’un curé de paroisse ? Abbé Sylvestre Abesengie : C’est une fonction bien particulière, différente de celle d’un curé de paroisse dont la juridiction est bien circonscrite. Dans une grande ville comme Rome, les Congolais vivent dans plusieurs paroisses et même dans plusieurs diocèses hors de la ville. Mais j’ai la charge pastorale d’accompagner chacun d’eux, et même les membres du corps diplomatique ici en tant que fils et filles du Congo. DB : Une charge lourde… SA : Très certainement, et en plus très complexe, puisque je dois tenir compte de beaucoup de paramètres chez mes administrés : quel niveau ils ont, comment ils vivent, comment ils sont insérés dans les paroisses où ils vivent, etc. DB : Mais un grand honneur aussi puisqu’il n’y a, avec la République démocratique du Congo, que deux autres pays africains ayant leur propre point de prière cédé par le pape : le Nigéria et l’Ethiopie-Erythrée ! Avez-vous des rapports avec ces autres communautés ? SA : Je réaffirme avec vous que c’est effectivement une chance et un honneur énorme pour notre pays, le Congo, d’avoir une Eglise spécifiquement dédiée aux Congolais. Cela nous donne la chance de nous retrouver, de planifier nos activités, de mener une pastorale comme frères. Pour ce qui est des relations avec les autres communautés, oui, nous nous retrouvons, dans des rencontres fraternelles, entre francophones ou avec les autres communautés linguistiques. Quand il y a des événements de joie ou de peine chez l’une ou l’autre, nous nous tenons au courant. Nous faisons de notre mieux pour être aux côtés des frères et sœurs chaque fois que de besoin. DB : Je crois savoir qu’à la messe dominicale de votre aumônerie, il ne vient pas que des Congolais… ? SA : Nous célébrons la messe à 11 h. C’est, comme vous pouvez vous en douter, une messe très animée, très vivante. Elle est célébrée suivant ce qui est reconnu par l’Eglise catholique comme le missel romain de la messe en rite zaïrois (aujourd’hui congolais). Et il y vient de plus en plus d’Italiens, ou des touristes de passage qui en ressortent émus. Car l’Africain prie avec tout son corps, manifeste sa foi par le chant, la danse et tout son être. Il ne s’agit pas, comme quelque commentateur superficiel a pu dire ou écrire, d’une foi extérieure et de folklore ; c’est tout l’être qui loue le Seigneur. DB : Et le lien avec l’Eglise et le pays d’origine ? SA : Vous touchez là un point intéressant. Notre communauté a été érigée dans le souci d’être l’expression du Congo au niveau de l’Eglise universelle surtout ici, au cœur de cette Eglise universelle. Nous sommes en contact constant avec l’Eglise du Congo. D’ailleurs, ma nomination est une décision de la Conférence épiscopale du Congo validée par le Vicariat de Rome. Chaque fois qu’un évêque congolais est de passage, nous l’invitons à venir officier chez nous ; il nous donne des nouvelles du pays, nous donne des conseils que nous intégrons dans notre plan pastoral quand c’est faisable. DB : Donc, vous vous retrouvez les dimanches : mais que se passe-t-il après la messe ? Vos fidèles se limitent-ils à se saluer, et puis ciao ? SA : (Rire) Non, l’aumônerie ne se limite pas à la messe du dimanche. Il y a tout un éventail de services que nous avons. Nous travaillons, voyez-vous, à la double restauration d’une Eglise en tant que communauté peuple de Dieu et en tant que structure. Nous proposons un parcours de formations spirituelle, pastorale et humaine. Et de temps en temps, nous répondons aux sollicitations de l’organisme Migrantes de la Conférence des évêques italiens pour aider à une meilleure insertion des étrangers établis sur le périmètre de Rome. Mais je reviens sur la formation spirituelle : nous œuvrons pour que nos frères et sœurs éparpillés sur la vaste région romaine ne se dispersent pas religieusement. Car, vous savez, c’est un phénomène très préoccupant que ces chrétiens sans point de repère et d’ancrage, qui commencent par se constituer en groupes de prières autonomes qui deviennent ensuite des sectes. A leur retour au pays, ils grossissent les rangs des trop nombreuses sectes que nous voyons. C’est pourquoi nous pensons qu’il est important d’apporter la formation adéquate à nos chrétiens, pour qu’ils aient un niveau de compréhension acceptable des exigences de la foi. DB : Voilà pour ce qui est des joies, de l’idéal. Quelles sont les difficultés? SA : Elles existent, bien entendu. Ne serait-ce que parce que notre Eglise est un immeuble qui date du VIe siècle et a besoin de restauration. Nous avons plein de projets qui n’aboutissent pas encore : implanter une Caritas (organisme d’aide – NDLR) ; ressusciter un organisme qui existait auparavant, la SOECO, comme organisme d’union. Cette année, nous célébrons aussi l’Année de la Bienheureuse Anuarite ; nous aurions aimé organiser des manifestations culturelles autour de la date du 30 juin, la fête de l’indépendance, etc. Mais notre difficulté majeure est dans le fait que notre aumônerie reflète les difficultés du pays, les divisions. C’est pourquoi nous faisons tout pour que l’esprit de haine, les divisions ethniques importées du pays, le tribalisme ne se vérifient pas non plus à Rome. Nous travaillons à la cohésion. Propos recueillis par Lucien Mpama Légendes et crédits photo :L’abbé Sylvestre Abesengie ©Lucien Mpama (© Adiac) |