Portrait : Rosy Sambwa, styliste lifestyleMercredi 21 Juin 2017 - 16:23 Rosy Sambwa est styliste personnelle et créatrice de la marque « Kinses » (Contraction de Kinshasa-Bruxelles), dont les produits Lifestyle se déclinent en bijoux, linges de maison, design floral et petite maroquinerie. Les créations de la designer belgo-congolaise racontent chacune une histoire. Elles sont l’expression de la richesse de sa double culture ainsi que de la beauté de la mixité qui, selon elle, est devenue le style de vie de nombreuses personnes à travers le monde. Le travail artistique de Rosy Sambwa, originaire de la RDC, née en France et a grandi à Bruxelles (Belgique), est marqué par cette mixité de cultures dans laquelle elle a toujours vécu : dans sa famille, dans ses études et dans ses différentes rencontres professionnelles. « La mixité est familiale. Le père de ma grand-mère était assistant médical (chirurgien sans en porter officiellement le titre parce qu’il était noir.) Il vivait dans la province de l’Équateur et devait puiser dans deux cultures en s'assumant face aux regards pas toujours compréhensifs», explique Rosy Sambwa, dont le rêve d’enfance était d’étudier le stylisme à Paris. Elle a réalisé ce rêve en intégrant l’École supérieure des arts et techniques de la mode (Esmod Paris) qui, depuis plus de 170 ans, forme les acteurs internationaux de ce secteur. « Les études datent, et ce n’est plus par elles que je me définis, même si j’aime me former et continue régulièrement à le faire », explique celle qui a également étudié la bijouterie contemporaine à « Alchimia Scuola » de Florence (Italie) et suivi une formation en infographie à l’Institut Saint-Luc, une école d’arts à Bruxelles. Rosy Sambwa, dont le travail de styliste personnelle est axé business et personal branding, est une artiste aux multiples casquettes, qui réalise des bijoux (avec une prédilection pour les pièces uniques et petites séries). L’un de ces bijoux, une pièce unique, a été ainsi récemment remis en cadeau à la première dame du Niger, le Dr Lalla Malika Issoufou, qui recevait à Bruxelles le prix de l’Union des femmes africaines (UFA), devant un parterre de personnalités du monde politique, culturel et associatif. « En ouvrant la boite, son visage s'est illuminé et elle a tenu à ce que je lui sois présentée en pleine cérémonie afin que je puisse mettre le collier à son cou. C’était sa manière de me remercier, en me mettant en lumière. Elle m'a, par la suite, fait parvenir un cadeau, symbole de la culture et de l’artisanat de son pays ». En dehors des bijoux, Rosy Sambwa crée du linge de maison et réalise du design floral pour des évènements, des mariages ou des entreprises. « Mes clients peuvent être aussi différents que des femmes dont le travail fait qu’elles sont en vue, une maison de couture, une chaîne de magasin low cost, un traiteur, une compagnie de téléphonie, une banque, une pâtissière, etc. Qu’ils souhaitent des fleurs, des bijoux-sculptures ou des conseils, Je reste à l’écoute de la même manière, quelle que soit la demande, je garde en tête la globalité de mon travail». Conseillère en style vestimentaire pour femmes La fondatrice de « Kinses » conseille des femmes actives et dynamiques pour, affirme-t-elle, que leur style, lors des évènements ou des étapes professionnelles importantes, soit en adéquation avec leurs compétences et fonctions, leurs personnalités, goûts et féminité, le lieu où elles se rendent, les personnes présentes et celles auxquelles elles s’adressent. En outre, Rosy Sambwa conseille également, lors d’inaugurations de magasins, les invitées de l’un de ses clients, un groupe qui possède 80 magasins à prix doux. « M’adresser à différents types de femmes est important, c’est un bel exercice. Néanmoins, réaliser des illustrations reste mon violon d'Ingres, je dessine depuis mon plus jeune âge », explique la designer. En effet, la passion de Rosy Sambwa pour la mode remonte à son enfance à Kinshasa, lorsqu’elle admirait les produits conçus par la « Kin Confection », société créée par sa mère, Georgine Lutay Kanza, l’une des premières femmes présentatrices du journal télévisé du Congo. « Les couturières réalisaient des uniformes scolaires et des pyjamas. J'aimais y traîner et discuter avec elles », se rappelle celle qui, aujourd’hui, est en mesure de coudre, même si elle déclare « détester ça », de concevoir des bijoux, et de nombreuses autres choses. Elle déclare, à un moment donné, s’être sentie perdue avec cette envie de tout faire. « Je ne comprenais pas ce besoin de tout faire et un jour, je suis tombée sur un passage dans la Bible qui parle d'artisans "qualifiés pour Toutes Sortes d’ouvrages !" J'ai récupéré la phrase ». Et des choses, Rosy Sambwa en a faites depuis le temps où était étudiante, elle faisait ses stages dans les showrooms de Paco Rabanne ou Capucine Puerari et était habilleuse dans plusieurs prestigieux défilés. Elle a, depuis lors, participé deux fois au Ghana Fashion Week sponsorisé par le Vogue, où, en compagnie de dix autres créateurs autour d’une table, elle a pu échanger avec Bethan Ardisson (mentor de Naomi Campbell), un des premiers mannequins noirs à avoir eu une carrière internationale et collaboratrice d’Anna Wintour, grande prêtresse de la mode et toute puissante rédactrice en chef du magazine Vogue depuis 30 ans. Rosy Sambwa a également réalisé son premier collier pour homme pour le chanteur congolais Fally Ipupa. Apprendre de ses échecs Le 12 septembre 2001, au lendemain des attentats contre le World Trade Center aux USA, un pilote lui a offert du champagne parce qu’elle était l’une des deux personnes à n’avoir pas annulé son vol vers Florence, où elle se rendait pour réaliser des échantillons textiles pour une usine. « J’allais à Florence sans parler italien. L’usine est un monde d’hommes, majoritairement autour de la cinquantaine. Ce fut un échec. Mais j’aimais Florence, j’ai pris des cours de langue et culture italienne puis de bijouterie contemporaine. J’ai commencé à broder et à réaliser mes premiers sacs. Mon salon était transformé en atelier, une amie et moi y brodions », se rappelle Rosy qui apprécie également la bonne cuisine, la culture, les découvertes, la marche et les espaces verts. De retour à Bruxelles, elle devient l’assistante d’un styliste réputé dont elle fait la connaissance presque par hasard. « Je montrais la vitrine de sa boutique à une connaissance, en expliquant aimer son travail quand un passant nous a abordé, me disant qu’il le connaissait, qu’il cherchait des candidats, il m’a fixé rendez-vous. Ce styliste avait un caractère très particulier, une exigence très difficile à satisfaire, j’ai appris la rigueur et l’idée que l’à peu près est un choix. Cela ne prend parfois pas énormément plus de temps de bien faire les choses, c’est une question de respect dû au client et ce respect paye », note la designer. Néanmoins, elle met fin à cette aventure professionnelle quelques mois après l’arrivée de très gros investisseurs dans l’entreprise du styliste, car grâce à une copine, elle est engagée pour créer la ligne d’accessoires d’importateurs de montres de luxe. « Ce fut une expérience qui m’a beaucoup appris, sur les montres et sur les rapports humains ». Collaboratrice pour des magazines De 2007 à 2009, Rosy Sambwa, collabore avec « Cœur d'Afrique Madame », la version féminine du magazine politique « Cœur d'Afrique » pour lequel elle rédige de petits compte-rendus sur ses sorties culturelles. Au cours de la même période, elle travaille avec le magazine « C-Retro-Actuel », créé par grand-frère Tito Kanza et qui faisait le parallèle entre l'actualité passée et présente. Elle est chargée de rendre cette publication plus attractive. Et le magazine fait peau neuve : nouveau graphisme, changement du format et d’image, ajout des pages culturelles dont elle s’occupe personnellement, mode de distribution plus traditionnelle. Cette expérience lui permet de rencontrer et de mettre en avant différentes personnalités notamment le chef cuisinier Christian Baby Yumbi, l’artiste Kamini, le rappeur Faf La Rage, le mannequin, danseur et styliste Imane Ayissi, la chanteuse Vitaa ou encore Fabrice Mahabo, créateur de la marque Black-up, la 1ère ligne de maquillage professionnelle dédiée aux peaux noires, Jérôme Efong Nzolo, le premier arbitre africain à avoir été primé en Belgique, la liste est longue. « C'est une période riche en rencontres. En tant qu’artiste, je posais mes questions avec ce point de vu. Je demandais aux gens ce dont ils voulaient parler, ce qu’ils voulaient mettre en avant. Le but était, à ce moment là, de faire entendre une autre voix, de donner de l’espoir, aussi et ces personnes étaient intéressées, parce qu’elles n’avaient pas non plus énormément de place où s’exprimer. J’aime mettre en avant la beauté de la culture et les talents, cela fait naître l’espoir », précise l’artiste, fan de Dries Van Noten, un des créateurs qui l’inspirent le plus. Retour aux sources à Kinshasa En 2009, elle rentre à Kinshasa, une ville qu’elle connaît peu. Elle se met à son compte par la force des choses, son CV étant essentiellement tourné vers l’art et la culture et ce sont surtout les banques et compagnies aériennes qui engagent à ce moment là. Sa petite équipe se monte peu à peu, le menuisier du coin qui lui parle du ferronier, qui lui présentera un peintre, etc. elle réalise des meubles et aménage le salon d’un particulier gratuitement pour montrer son savoir-faire. À la faveur de cet aménagement, elle fait la connaissance de la responsable du Corporate de l’entreprise de télécommunication Tigo, grâce à qui elle obtient un marché : aménager les bureaux du Corporate de cette entreprise. Cela semble trop beau, c’est exactement comme ça que ça s’est passé, sans connaître plus de 2 personnes sur place. Les tractations ont duré des mois, ce qui fait que lorsque j’ai commencé chez Tigo, j’avais eu le temps d’aménager des maisons particulières. Grâce à ses différentes collaborations notamment avec un architecte, elle est engagée comme consultante par l’équipe qui aménageait les bureaux de la haute direction de la Banque centrale du Congo (BCC). Une émotion bien particulière pour la designer, puisque son père, aujourd’hui décédé, a été gouverneur de la BCC pendant plusieurs années. « C’était émouvant de me retrouver, le jour de l’anniversaire de ma mère en train de conseiller l’aménagement de l’ancien bureau de mon père. Personne, en dehors de la personne qui m’avait engagée, ne connaissait ma filiation, ils ne comprenaient donc pas mon émotion face aux souvenirs d’enfance flous qui refaisaient surface ». Un travail artistique marqué par la mixité De retour à Bruxelles, Rosy renoue avec la conception de linge de maison, travaille à nouveau avec les importateurs de montres haut de gamme, imagine et monte des projets de boutiques éphémères, expose ses bijoux dans des parcours Design, Galerie d’art ou encore dans un Musée… Elle a également posé pour le livre Beautiful – Portraits de la Beauté Noire, du photographe franco-camerounais Mario Epanya « C’est un beau cadeau, que de faire partie de ce livre, pour ce qu’il représente et pour la vision respectueuse qu’il offre. Mario a, en tant que photographe, une belle reconnaissance professionnelle. Poser pour lui est en droite ligne avec mon offre « Lifestyle », une opportunité de faire les choses à ma manière. Proposant un luxe simple et qualitatif, la collaboration devait être dans la même veine, sans besoin d’en faire trop. Mon parcours est une école de vie où j’apprends la sagesse, les relatons humaines et la persévérance. Les valeurs transmises par mes parents, cette fierté de ma double culture, cette envie de la partager et la faire connaître, sans parler de la certitude qu'ils m'ont inculqué "il n'est pas nécessaire d'écraser les autres pour y arriver". Mon père me répétait qu'il fallait chercher la satisfaction dans ce que l'on accomplit et apporte », conclut Rosy Sambwa. Patrick Ndungidi Légendes et crédits photo :Photo1 Rosy Sambwa
Photos 2,3,4,5 Quelques créations de Rosy Sambwa @ Laure Wavreille @Bertrand Sottiaux
Notification:Non |