Le pape aux Européens : « Revenez à vos racines chrétiennes, rajeunissez-vous ! »

Mardi 17 Juin 2014 - 17:51

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Le chef de l’Église catholique plaide pour une Europe qui sache puiser dans son histoire les valeurs de la solidarité et de l’ouverture aux autres

La rencontre était de toute discrétion ; elle n’avait même été annoncée qu’aux derniers instants de la semaine passée. Le pape François a pourtant été fidèle au rendez-vous, dimanche soir, au siège de la communauté catholique Sant’Egidio de Rome. Passée la foule des bras tendus pour le toucher, se faire bénir ou se prendre en photo avec lui à l’entrée de cette emblématique Place du Transtevere bien connue des humanitaires et de bien des médiateurs africains, le Souverain pontife s’est engouffré dans l’enceinte. C’est un lieu qui a vu défiler aussi bien des misères ; une autre face de la charité de l’Église sans être juridiquement une structure du Vatican.

C’est à Sant’Egidio, en effet, que les marginaux, les immigrés et les pauvres de toutes races et conditions savent trouver la première porte à pousser quand ils ont été plongés dans le désespoir de la misère. À Sant’Egidio que des combattants fatigués (Rd Congo, Congo-Brazzaville, Burundi, Angola, Mozambique…) sont venus demander l’aide pour leurs premiers pas vers l’apaisement ou la réconciliation. Sant’Egidio, plusieurs fois proposée au Prix Nobel de la Paix, poursuit un travail assez atypique dans cette Europe de l’opulence qui a tendance à se barricader sur son bien-être.

Et pourtant ! Ici, pauvre ne rime pas forcément avec étranger. Dimanche, le pape l’a pratiquement touché de ses doigts en écoutant le récit d’une Italienne de 90 ans, d’un jeune chômeur romain, d’un Rom et d’un réfugié politique afghan. Aucun trait commun de foi entre eux, mais une même quête de dignité par le travail et de conditions de vie plus décentes. E, Europe. En étranger lui-même, le pape a appelé à retrouver le chemin des origines. « L'Europe est fatiguée. Elle a renié ses racines et nous devons l'aider à les retrouver », a lancé le Souverain pontife.

C’est une allusion à un vif débat qui a agité les milieux des intellectuels européens lors de la rédaction de la Convention de l’Union européenne de 2003. Les racines ? Il s’agit des racines chrétiennes de l’Europe auxquelles aucune mention ne fut faite dans cette convention au grand dam de l’Église catholique. Pour le pape Jean-Paul II qui, le premier, soutint cette idée à bout de bras, l’Europe ne pouvait pas rêver d’union tant que n’était pas rappelé le substrat judéo-chrétien de son histoire. Ou encore le riche héritage de cette réalité qui maille aujourd’hui la trame de son histoire de l’est à l’ouest. Milieux laïcs et athées s’y opposèrent en rappelant que l’avenir de l’Europe devait se situer loin de toutes les influences religieuses, chrétiennes ou non.

La question est loin d’avoir été tranchée. Mais l’Église catholique insiste toujours : les valeurs inspirées de l’Évangile sont à la base de bien des constitutions nationales et d’us et coutumes généralement admis. Fêtes liturgiques, patronymes chrétiens, référence constante aux textes bibliques même dans la Révolution française de 1889, cette « béatitude profane » qui, à son tour, est la base de la Charte universelle des Droits de l’homme, plongent leurs racines dans le discours évangélique.

« La crise est tellement grande que l'on rejette aussi les jeunes, il suffit de penser aux 75 millions de jeunes de moins de 25 ans qui n'ont ni travail ni formation, cela se passe aujourd'hui dans cette Europe fatiguée », a insisté le pape dont le discours a pour corolaire constant l’accueil des immigrés, atout pour un dynamisme démographique nécessaire à une Europe qui se flétrit. À rappeler que le chef de l’Église catholique est issu de l’immigration italienne en Argentine ; il sait donc le poids de l’accueil et de l’ouverture aux autres.

Lucien Mpama