Centrafrique : Denis Sassou N'Guesso plaide pour un effectif plus conséquent pour ramener la paix et appelle les Africains à se prendre en charge

Mardi 18 Février 2014 - 13:00

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Dans un entretien accordé au quotidien français Le Figaro, paru le 17 février, le président Denis Sassou N'Guesso, médiateur de la crise centrafricaine, évoque pour la première fois dans un journal étranger la situation en Centrafrique et ses propositions à ses pairs. Un point de vue qui converge dans son principe avec la position de la France et des Nations unies

Le président Denis Sassou N’Guesso pense qu’il faudrait plus d’hommes en armes en Centrafrique pour quadriller un pays une fois et demi plus grand que la France. Il chiffre à 10 000 le nombre de soldats nécessaire, contre 6 000 actuellement, pour mettre fin à l’instabilité de la Centrafrique. Il indique avoir fait la proposition à ses homologues de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Cééac) qui « ont décidé de donner 100 millions de dollars, en soutien à la Misca et au gouvernement de transition en Centrafrique ». Il en va aussi de la stabilité de l’Afrique centrale.

La France vient de renforcer son dispositif dans l’opération Sangaris de 400 soldats, soit un total de 1 600 hommes, alors que la Misca, la force africaine de l’Union africaine (UA), compte 6 000 hommes (dont 1 000 soldats congolais) sous le commandement du général congolais Mokoko, ce qui, néanmoins, n’a pas permis de faire cesser les pillages, les violences interconfessionnelles entre musulmans et chrétiens. L'Union européenne envisage de doubler les effectifs d'Eufor-RCA, pour les faire passer de 500 à 1 000 hommes : ils sont attendus au mois de mars. À terme, l’ONU envisage une véritable opération de maintien de la paix avec 10 000 Casques bleus, ce qui nécessite l’accord de l’UA, encore réticente, et une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.

Denis Sassou N’Guesso insiste sur la réussite du désarmement de la Séléka et des milices anti-balaka. Les violences ont provoqué le déplacement de près d’un million de Centrafricains, des exactions et assassinats, coupé ce pays enclavé, asphyxié son économie, aujourd’hui au bord d’une crise humanitaire, alors qu’il détient l’un des plus gros potentiels agricole et minier de l’Afrique subsaharienne.

Denis Sassou N’Guesso indique avoir informé son homologue français, François Hollande, dès avril 2013 des risques que faisait courir la coalition rebelle de la Séléka à la Centrafrique. « Plus tard, les faits m’ont donné raison. J’avais perçu les prémices d’un conflit confessionnel, aujourd’hui généralisé en RCA », souligne le président.

Concernant le départ du président François Bozizé, il explique qu’« obligés de prendre le train à marche », les chefs d’État de la Cééac ont « d’abord constaté le fait accompli et l’installation d’un gouvernement de la Séléka ». « Nous avons ensuite ramené ce gouvernement dans l'axe du protocole que nous avions négocié à Libreville en 2012, qui prévoyait une période de transition et une réconciliation nationale. La Séléka avait déjà commis de graves crimes, mais elle l'a accepté. Nous avons donc eu un Parlement de transition, une Charte faisant office de Constitution, et nous avons tenté de remettre sur pied le système judiciaire. »

Denis Sassou Nguesso a rappelé le défi humanitaire à relever en Centrafrique en ramenant des familles qui campent dans la brousse, dans des camps de regroupement ou dans les pays voisins, mais aussi les défis politiques : remettre l’Administration en état de fonctionnement, ainsi que les autres institutions démocratiques, sans oublier le défi judiciaire.

Denis Sassou Nguesso et les interventions françaises dans les autres pays africains

Sur l’intervention française en Libye et l’élimination de son guide Mouammar Kadhafi par les Occidentaux, le président Denis Sassou N’Guesso se demande « s’ils avaient ou non réfléchi à l’avance, s’ils avaient ou non une solution de remplacement ». « Notre solution pacifique n'a pas été choisie. Est-ce dommage ? Les faits parlent d'eux-mêmes… », déplore-t-il, s’inquiétant de la prolifération des armes aujourd’hui en Afrique.

Sur le Mali, il souligne la convergence des pays de l’Union africaine qui ont salué l’intervention militaire française, considérant qu’« au Mali, la France a fait ce qu’il fallait », ajoutant en conclusions : « Il faut arrêter de croire que le destin de la France est d'être le gendarme de l'Afrique, de lui mettre sur le dos tous les problèmes. Il est grand temps pour les États africains d'assumer leurs responsabilités sur leur continent ! »

Noël Ndong